Maison de Poupée - Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes © Johan Karlsson
Maison de Poupée © Johan

Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes offre un beau cru 2023

La 22e édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes (FMTM) de Charleville-Mézières s’est ouverte le 16 septembre et se clôturera ce dimanche. Cet événement incontournable, dirigé depuis 2021 par Pierre-Yves Charlois, représente toute la diversité, la vivacité et la créativité des arts de la marionnette. Un premier week-end plein d'émotions.

La précédente biennale du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes s’était déroulée en 2021. Bouleversée par le Covid, elle n’avait pas pu faire venir de compagnies étrangères et avait dû réduire le nombre de spectacles présentés. Ce qui n’avait pas empêché le public, de la ville et de la région, mais aussi de toute de la France, d’être présent. Cette année, la manifestation retrouve sa forme habituelle, avec quatre vingt-six compagnies, dont trente-six internationales et sept franco-étrangères. Soit 446 représentations étalées dans toute la ville et ses environs. Dès le début des festivités, bon nombre d’entre eux affichaient déjà complet ! C’est dire l’appétence des festivaliers.

Une ville en effervescence
Festival Mondial du Théâtre de la Marionnette © A. Thome
Place Ducale © A. Thome

Charleville-Mézières est la cité des arts de la marionnette, avec son Institut international, lieu d’enseignement, d’expérimentation et de réflexion, et surtout cet incontournable festival créé il y a soixante ans par Jacques Félix. Les Carolomacériennes et Carolomacériens sont très attachés à cet événement et nombre d’entre eux viennent grossir les rangs de la belle armée de bénévoles et garantissant ainsi la bonne marche de la manifestation. Toute la ville vit au rythme du festival. Restaurants, cafés, boutiques ont dans leur salle ou en vitrine des représentations de marionnettes où d’objets. On y entend parler des spectacles. Le bouche-à-oreille turbine. La Place Ducale a des airs de fêtes foraines. À chaque coin de rue, on peut croiser des marionnettistes présentant leur spectacle. Car ce festival possède son in, son off et même son off du off ! Cela donne une sacrée animation à la ville qui a vu naître Rimbaud.

Les coups de cœur
Tout le monde est là - Festival Mondial du Théâtre de Marionnette © Hervé Dapremont
Tout le monde est là du Rodéo Théâtre au TMTM ©Hervé Dapremont

Deux créations, présentées pour la première fois au festival, étaient particulièrement attendus pour cette édition. Ces spectacles ont créé l’événement, devenant le sujet de prédilection des festivaliers. Ce qui est totalement justifié : ces deux spectacles allient avec grâce, bonheur et intelligence marionnettes et théâtre.

D’abord, Une Maison de Poupée d’après l’œuvre d’Ibsen de la compagnie franco-norvégienne Plexus Polaire, grande habituée du festival. En 2021, son Moby Dick avait d’ailleurs été un de nos grands coups de cœur. Cet été, ils ont emballé les festivaliers du Off d’Avignon, à la Manufacture, avec leur Dracula : Lucy’s Dream. Yngvild Aspeli, qui a fait ses études à Charleville-Mézières, est une artiste extrêmement douée. Sa version de la pièce est un petit bijou. Dans une maison hantée par des marionnettes grandeur nature, des oiseaux morts, des araignées rampantes, elle donne à Nora la parole que les hommes lui ont toujours refusée. C’est magnifique ! Nous vous en reparlerons à l’occasion de sa tournée en France, en mars prochain. Soulignons au passage la présence d’une autre autre pépite, vue cet été au 11.Avignon, Le Songe d’une nuit d’été de la compagnie belge Point Zéro.

Était tout aussi attendu Tout le monde est là de Mike Kenny, mis en scène par Simon Delattre avec son Rodéo Théâtre. Dépliant une généalogie sur près de cent ans, le metteur en scène explore brillamment une histoire de famille à contre-courant des schémas conventionnels, qui se reflète en miroir à la sienne. Ce spectacle, tenu de main de maître par les artistes, nous a captivés et émus. Là aussi, nous vous en reparlerons à l’occasion de sa tournée, qui démarre en novembre à Pantin.

Les belles découvertes
Les lettres de mon père - Festival Mondial du Théâtre de Marionnette © Hervé Dapremont
Les lettres de mon père de la Cie Gare centrale au TMTM ©Hervé Dapremont

Parmi nos belles découvertes, on retiendra, venu de Belgique, Les lettres de mon père de la Cie Gare Centrale. L’artiste Agnès Limbos y plonge dans son passé. Lorsqu’elle n’était qu’une petite fille, ses parents sont partis au Congo belge, la laissant avec sa fratrie chez leur oncle, curé de son état. Fébrilement, elle attendait les lettres de son père. Enfant, elle y voyait des preuves d’amour aujourd’hui, elle nous fait entendre tous les sous-entendus de l’époque — racisme, paternalisme, abandon — qui se cachent derrière chaque mot. Ce spectacle de théâtre d’objet nous a bouleversé.

Exit B, spectacle des élèves de la treizième promotion de l’École nationale supérieure des Arts de la Marionnette et des élèves la DAMU de Prague, se montre lui aussi digne d’attention. Cette création est placée sous le signe de la modernité et surtout de la jeunesse. L’art de la marionnette inclut la manipulation, ce qui ouvre tous les champs des possible. Ici, les matériaux sont le carton, le multimédia et les images. Visuellement, c’est très réussi, mais cela l’est aussi parce que leurs histoires de terrier comme ultime refuge tient très bien la route. Bravo.

Ascension de la Sitio Cie, mise en scène de François Couderc, est la toute première création de cette jeune compagnie, qui la présentait ici pour la toute première fois. Mélangeant jeu d’acteur (Pierre Fricheux, épatant), marionnettes à taille humaine et objets, ces artistes nous ont enchantés, émerveillés, fait rire avec leur histoire d’ascension et de dégringolade sociale, inspiré très librement de Gros-Câlin d’Ajar. Ici le piton est un adorable éléphant envahissant. Ils ont un bel avenir devant eux.

Les découvertes
Ascension - Théâtre Mondiale du Théâtre de la Marionnette © Sitio Cie
Ascension © Sitio Cie

Et puis, il y a aussi, des petites formes, qui nous ont surprises. On citera Shadow of my belonging, de la Cie l’Étendue, un bel objet poétique, où il suffit de se laisser porter par les images produites par la danse de Renaud Herbin et de ses marionnettes, la voix de la narratrice, Sir Alice, et du musicien Grégory Dargent.

L’aventure de l’écrasement par le Granit Suspension, nous sommes plutôt dans le registre de la performance. Blanche Lorentz a de l’esprit et ne manque pas d’humour. Comme nous sommes souvent écrasés par le poids de la vie, elle a lesté Coline Fouilhé de deux cents kilos de caillou. « Écrasant ainsi un corps avec soin » pour expliquer qu’il faut se délester de toute charge mentale, familiale et sociétale.

Suzy, de la Cie Wannax Princesse Guerrière, est une adaptation remarquable du texte de Magali Mougel, Suzy Storck. Avec ses objets, Eva Bigontina raconte la descente d’une Nora d’aujourd’hui, qui se refusant de n’être qu’une poupée enfermée dans un quotidien qui l’étouffe, finit par commettre l’irréparable. Un spectacle coup de poing.

À noter que le spectacle que nous avions découvert lors de sa création, Le Horla de Jonas Coutancier et la Cie Les anges au plafond, de grands habitués du festival, affichait complet dès le début, et c’est bien mérité.

Les Barionnettes
Le manipophone - théâtre Mondiale du Théâtre de la Marionnette © Greg Bouchet
Le manipophone © Greg Bouchet

C’est sur le conseil de deux amis de la région que nous nous rendons dans la petite salle du joyeux bistrot Le Vert Bock pour découvrir une petite pépite. Le Manipophone est un spectacle tout terrain qui était présenté à la fois dans le In, dans le cadre de la manifestation des Barionnettes et dans le Off, puisqu’il a continué après les dates officielles. Cette création de la Cie la poupée qui brûle est une pure merveille. Yoann Pencolé et Antonin Lebrun ont retrouvé par hasard un manipophone. Une machine que l’arrivée du scopitone a relégué aux oubliettes. Grâce à elle, les plus grandes vedettes de la fin des années 1930 à 1960 surgissent devant vous. Et quand on dit surgir, c’est vraiment ça. C’est magique, plein d’humour et surtout extrêmement bien fait. On adore et on en redemande !

Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Charleville-Mézières.

Festival Mondiale des Théâtres de Marionnettes
08000 Charleville-Mézières.
Du 16 au 24 septembre 2023.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com