Né en 1945, il était un enfant de l’après-guerre. Comédien, metteur en scène, directeur de théâtre et professeur émérite d’art dramatique, la « grande gueule » Grinevald s’était fait silencieux depuis quelques années. Il est décédé dans la nuit du 7 septembre, nous laissant sans voix.
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Jean-Christan Grinevald a débuté comme assistant de Patrice Chéreau et de Jacques Rosner. Chez ce dernier, il a été également comédien, dans Les acteurs de bonne foi et La colonie de Marivaux, Rixe et Dreyfus de Grumberg. En 1975, il fondait sa propre compagnie, le Théâtre Kobold. De 1977 à 1981, il a dirigé le Théâtre Marie Stuart (actuellement Le mélo d’Amélie). Tout comme Jacques Mauclair et son théâtre du Marais, il savait faire vivre sa scène, grande comme un mouchoir de poche. En 1989, il prit alors, à la suite d’Alain Illel, la direction de La Main d’or. Un lieu qui devient sous sa houlette un incontournable de la création contemporaine et classique.
Un théâtre foisonnant
C’est dans cet endroit magique, situé dans un entrepôt du onzième arrondissement de Paris, que j’ai fait la connaissance de son travail, mais aussi du personnage. C’était un homme impressionnant. Il avait la réputation de ne pas être toujours facile, pourtant j’en garde le souvenir d’un homme généreux, ouvert sur le monde et curieux. Chacune de ses créations était un enchantement. Il a monté des textes de Obaldia, Brecht, Grumberg, Feydeau, Topor, Racine, Fassbinder, Molière, Vitrac, Minyana, Bond, Vinaver, pour n’en citer que quelques-uns. J’ai encore en mémoire sa Noce chez les petits bourgeois de Brecht, des Chutes du Zambèze de Daniel Soulier, avec Annie Girardot, l’épatante Laure Guillem, Olivier Jeannelle et lui-même au TNP de Chaillot et de son étonnante pièce co-écrite avec Philippe Ogouz, Les Molières en chocolat.
Pour l’amour de l’art dramatique
Celui qui fut longtemps professeur — à l’ENSATT, à l’École de Chaillot et dans son propre théâtre — aimait les comédiennes et les comédiens. Il a donné sa chance à de jeune débutant comme Denis Lavant, Didier Brice, Karine Viard, Léna Bréban. Il a fait travailler les plus grands comme Silvia Monfort, Maurice Bénichou, Claude Pieplu, Christine Murillo, Dominique Raymond, Jean-Paul Farré. Pardon pour tous ceux que j’oublie. C’est à la Main d’or que Joël Pommerat fit ses premiers pas, avec Le Théâtre (1991) et Pôles (1995). Il accueillait également les anciens, comme Arlette Téphany qui y créa La Douleur de Duras.
Lorsqu’il dut quitter, à son grand regret, son théâtre en 1999, il laissa un vide. Les « petites » salles comme La Main d’or, Le Renard, Le Tourtour et, jusque aujourd’hui, Les Déchargeurs, jouaient un rôle important dans la création dramatique, permettant de découvrir et de donner la parole aux jeunes compagnies. Cher Monsieur, merci pour tout ce que vous nous avez apporté : on se souviendra de vous.
… merci émouvante Marie Céline …