Il y en avait, des choses à dire et à faire sur cet homme qui a traversé ce XXe siècle à toute vitesse, se faisant l’observateur émérite d’un monde pris dans la tourmente. Sa curiosité était immense. Véritable témoin de son époque, il n’avait nul pareil pour raconter les hommes et leurs tourments, les conflits, les soirées de prince parisiennes comme la vie dans les pays les plus éloignés. Comme il l’écrivait, « derrière la grande histoire, il y a les hommes. Et j’aime les hommes ».
François Mauriac avait trouvé les justes mots pour le définir : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme. » De sa jeunesse, où il hésita à devenir comédien pour finalement prendre la plume, de la Première à la Seconde Guerre mondiale, du journalisme à l’Académie française, ce spectacle retrace le parcours d’un homme qui a marqué la littérature et son temps.
Ami, entends-tu…
Mathieu Rannou tranche dans l’épaisseur de cette vie chargée, et il ne se trompe pas. Se dessine ainsi le portrait d’un homme qui explorait le monde et l’âme humaine avec « une soif de vivre (et de boire) inextinguible », comme il l’écrit. Son style est imprégné de celui de Kessel au point que l’on ne voit pas ce qui est de l’un et de l’autre. C’est d’une adresse admirable. Construit dans l’esprit narratif qui a nourri Le Lion, Les Cavaliers et L’Équipage, le récit passionne de bout en bout.
La vie de Kessel, ce jeune auteur en fait un véritable roman d’aventures, de ceux qui fascinent les enfants. Mais le réduire à cela ne serait pas juste, car il réussit en même temps à nous faire comprendre de quel bois était fait ce géant. Sa mise en scène, s’appuyant sur la magnifique scénographie de Franck Desmedt, semble tourner les pages d’un livre d’image. C’est de toute beauté.
Une magistrale interprétation
Ce texte, l’auteur l’a écrit tout spécialement pour Franck Desmedt. Après ses très belles performances dans Tempête en juin d’après Irène Némirovsky et La promesse de l’aube de Romain Gary, le comédien conquiert à nouveau le public. Physiquement, l’acteur est à l’opposé du personnage qu’il incarne. Et pourtant, il est Kessel. C’est ça, la magie de l’interprétation. Il se glisse avec tout autant d’aisance dans les autres personnages évoqués, comme Pierre Lazareff, le génial et drôlissime directeur de France Soir, Henry de Monfrei ou un Humphrey Bogart complètement ivre. L’acteur nous a régalés dans ce passage, totalement inventé, où il est question d’une rencontre entre le « grand Jef » et Francis Huster, qui connaît par cœur Le Lion. L’acteur est irrésistible dans ce numéro qui dépasse l’imitation. Huster est là. Desmedt nous embarque tout autant lorsqu’il fait entendre les grands récits, surtout celui des Cavaliers. C’est admirable. Bravo !
Marie-Céline Nivière
Kessel, la liberté à tout prix, texte et mise en scène de Mathieu Rannou
Théâtre Rive Gauche
6 rue de la Gaité75014 Paris.
Reprise du 21 août au 22 décembre 2024
Durée 1h10.
Festival OFF Avignon
Théâtre du Roi René
4 bis rue Grivolas
84000 Avignon
Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 10h30, relâche les 1, 8, 15 juillet.
Durée 1h10.
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
Du 30 août 2023 au 7 janvier 2024.
Durée 1h10.
Interprétation et décor de Franck Desmedt.
Costumes de Virginie H.
Lumière de Laurent Béal.
Musique de Mathieu Rannou.
Un comédien admirable dans la peau grands écrivains Romain Gary à présent Joseph Kessel avec lequel va-t-il nous éblouir et nous enchanter encore et toujours.