À Niort, la chorégraphe deux-sévrienne prépare la 5e édition de Panique au Dancing, une biennale où se conjuguent performances, spectacles en tout genre et joie de vivre. Au cœur de l’ancienne cité médiévale, à l’ombre du donjon millénaire, Agnès Pelletier, figure locale, fait vibrer le cœur de la ville et danser les habitants jusqu’au bout de la nuit.
© Alex Giraud
Comment est né l’idée de créer un festival de danse à Niort ?
Agnès Pelletier : Ma compagnie (Cie Volubilis) est implantée dans cette ville, où j’ai grandi, et où j’habite. Pourtant, il y a un peu plus de dix ans, j’ai constaté que notre présence n’était pas forcément connue de tous les niortais. Disons que Niort est une petite ville et qu’il n’y a, finalement, que la Scène nationale (Le Moulin du Roc) pour nous programmer et elle l’a toujours fait… L’idée était donc de prendre rendez-vous avec les habitants, de leur montrer notre travail et de mailler avec eux un lien. Quand je crée, je suis toujours habitée par l’idée de comment mobiliser les gens autour d’un projet, comment les attirer sur des propositions différentes de celles dont ils ont l’habitude. Il y avait donc pour moi un vrai défi d’imaginer un événement de danse dans une ville, telle que Niort. Ce qui m’a rassurée et convaincue que je devais tenter l’aventure, c’est en voyant qu’une association de danse country d’un village de la région niortaise pouvait non seulement rassembler du monde – plus d’une centaine – , mais aussi les faire participer. J’avais la colonne vertébrale du festival, montrer que la danse contemporaine peut s’emparer de formes populaires, tel que le flashmob par exemple, peut investir l’espace public et rassembler ainsi un public large, éclectique et varié.
La première édition était 2015…
Agnès Pelletier : Oui. C’était pour nous l’occasion de présenter la compagnie, d’appréhender le territoire urbain, de confronter notre processus créatif à l’échelle d’une cité, d’échanger avec les habitants et de faire connaissance à travers le médium qui est la danse.
Quel est l’ADN du festival ?
Agnès Pelletier : Dès 2012, nous avons fait des tests grandeur nature pour voir la viabilité du projet. Nous avons donc organisé une journée de danse dans l’espace public. L’idée était de proposer aux gens d’apprendre en quelques heures une chorégraphie pour la restituer le soir. Pour cela, j’ai sollicité mon cercle amical, des compagnies amies, ainsi bien sûr que la municipalité de l’époque. Le succès a été au rendez-vous. Je me suis ainsi retrouvée, en moins de temps qu’il faut pour le dire, à organiser une première édition, de ce qui allait devenir Panique au Dancing. J’ai toujours souhaité que ce moment soit convivial, léger et festif. Rien de cérébral, juste partager dans la bonne humeur de bons moments autour de la danse, de la performance. Et puis j’essaie de dépasser aussi le cadre de la ville, de la région, en invitant des compagnies européennes et internationales, pour permettre à chacun de découvrir d’autres esthétismes, d’autres moyens de communiquer par le corps. C’est comme un immense laboratoire dédié à la danse contemporaine, une expérience taille géante du rapport entre artistes et habitants.
Comment expliquez-vous ce succès, toujours renouvelé ?
Agnès Pelletier : Le fait que ce soit une biennale y est pour beaucoup. C’est un moment de rencontre, de partage, où tout est possible, voir des performances en extérieur, découvrir des artistes en salle, la gratuité de la plupart des manifestations, le bar où l’on peut retrouver les artistes. Après le Covid, j’avoue que j’ai eu des doutes sur la faisabilité d’une 4e édition (2021), d’autant que le temps n’était pas au rendez-vous. Mais les festivaliers sont venus en nombre, ont dansé sous la pluie. Le fait d’avoir été privé de liens sociaux durant plus d’un an a d’autant plus donné envie aux gens de communier ensemble, de s’amuser, de vibrer à l’unisson.
Votre personnalité y est aussi pour quelque chose…
Agnès Pelletier : Je suis bien incapable de le mesurer. Cela me dépasse. J’essaie juste d’être moi et de faire avec mes moyens, les idées. C’est comme la cohérence de la programmation, elle m’échappe. Je fais au feeling, à l’instinct. Bien sûr, que ce que je propose me ressemble. Et puis ce n’est pas que moi. C’est la compagnie qui organise le festival. Nous sommes tous impliqués dans sa bonne organisation, dans sa réussite. Une partie du conventionnement de la compagnie est d’ailleurs dédiée au festival, à son fonctionnement. C’est un évènement que l’on porte à bout de bras et pour la plupart de manière bénévole. Cela demande à nombre d’entre nous, à nombre d’habitants un investissement personnel. Régulièrement nous alertons la mairie, pour qu’elle nous aide à maintenir le festival, à le faire prospérer.
Qu’en est-il de l’expérience Panique Olympique, qui est l’une des propositions piliers du festival ?
Agnès Pelletier : C’est quelque chose que de faire danser 500 personnes dont la plupart sont des amateurs ou des novices. Ça me passionne de travailler avec autant de gens, d’écrire une chorégraphie qui puisse être reprise par des pros, par des enfants. C’est très lié à ma manière d’aborder la danse, de l’amener vers quelque chose de populaire au sens noble du terme, d’imaginer un objet chorégraphique récréatif. C’est passionnant de voir qu’à chaque fois qu’on lance les inscriptions pour participer à Panique Olympique, les gens sont au rendez-vous. Sous l’impulsion, de Sylvie Violan, directrice du Carré-Colonnes, Scène nationale de Saint-Médard-en-Jarre, dont nous sommes Artiste associé, et du FAB à Bordeaux, qui soutient la compagnie depuis longtemps et qui était venu découvrir la première édition du Festival, nous avons développé le concept sur toute la région. Chaque version est unique tant par les participants que par l’enchaînement de mouvements proposés. Le projet a nettement grandi, se propageant de festivals en scènes nationales, et nous seront l’an prochain, le 15 juin, dans le cadre de « L’Olympiade culturelle – Paris 2024 », sur la place de L’Hôtel de Ville de Parispour une version nationale de ce flashmob géant, qui allie danse et sport. Ce qui était au départ une boutade, se transforme en véritable consécration.
Que peut-on vous souhaiter ?
Agnès Pelletier : Que cette 5e édition ne démente pas le succès de cette manifestation niortaise. Après, nous verrons. Il sera nécessaire de réinventer la formule, de penser à autre chose. Je n’aime pas quand les choses s’installent et deviennent routinières. C’est important et nécessaire d’aller de l’avant, de toujours être en mouvement.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Panique au Dancing
79000 Niort
Du 27 au 30 septembre 2024