Les Nuits Blanches, de Fiodor Dostoïevski, mis en scène par Mathias Zakhar © Joseph Banderet

Maison Maria Casarès, un festival pour tous 

Pour sa 7e édition, le festival d’été de la Maison Maria Casarès propose une programmation qui allie arts vivants, patrimoine et goût du terroir.

Les Nuits Blanches, de Fiodor Dostoïevski, mis en scène par Mathias Zakhar © Joseph Banderet

Pour sa 7e édition, le festival d’été de la Maison Maria Casarès propose comme chaque année une programmation qui allie arts vivants, patrimoine et goût du terroir. Passant du goûter au dîner sans oublier le sacro-saint apéro, les propositions offrent un bel éventail de spectacles pour les petits et les grands. 

© Joseph Banderet

Sous le doux soleil de Charente, le domaine de La Vergne, lieu de villégiature de Maria Casarès jusqu’à sa mort en 1996, fait peau neuve. En cours de rénovation, le bâti principal, suite à un ravalement de façade, dévoile ses belles pierres apparentes de couleur crème. Fermée actuellement, l’ancienne maison devrait rouvrir ses portes l’an prochain et offrir quelques chambres d’hôtes permettant aux visiteurs de se glisser, le temps d’une nuit, dans l’univers de la comédienne.

Une amitié d’artistes
Les Enfants Terribles, Maria Casarès t Gérard Philippe, Exposition Augmentée  ©Joseph Banderet
Les Enfants Terribles, Maria Casarès et Gérard Philippe, exposition augmentée ©Joseph Banderet

Bien décidés à faire connaître la vie de l’hôte de jadis comme le domaine où elle se réfugiait loin de Paris, Matthieu Roy et Johanna Silberstein, co-directeurs du lieu, ont imaginé en parallèle de la visite contée Fragments d’autre – La correspondance entre Maria Casarès et Albert Camus, déjà visible l’an passé, une exposition augmentée permettant de découvrir une nouvelle partie du domaine, le potager, et de plonger dans le lien singulier qui a lié plus d’une dizaine d’années durant l’Espagnole au jeune premier du cinéma Français de la fin des années 1940, Gérard Philipe. Considérés comme les plus grands talents de leur génération, tous deux se sont croisés à de nombreuses reprises au théâtre comme au cinéma avant d’intégrer l’un après l’autre la troupe du TNP fondé en 1920 par Firmin Gémier et dirigé de 1951 à 1963 par Jean Vilar.  

Avec Les Enfants terribles, Maria Casarès et Gérard Philipe, c’est tout un pan de l’histoire du théâtre moderne qui est raconté, de leur rencontre sur les planches du théâtre des Mathurins en 1945 à la mort prématurée de l’acteur. Ils se sont fréquentés, éloignés puis retrouvés. Nés à treize jours d’écart, ces deux êtres entretenaient une union, un lien intangible que ravivent photos, lettres lues, extraits de pièces et de films diffusés par audioguide. Un voyage à travers le temps des plus passionnants !

À voir, à boire et à manger
Ce Silence entre Nous, de Mihaela Michailov, mis en scène par Matthieu Roy © Joseph Banderet
Ce silence entre nous, de Mihaela Michailov, mis en scène par Matthieu Roy © Joseph Banderet

Ponctuant la journée avant le dîner-spectacle du soir, deux moments théâtraux mis en scène par Matthieu Roy, invitent les petits à stimuler leur imaginaire et les grands à questionner la maternité. Avec Je suis un lac gelé de Sophie Merceron, un enfant (Mathias Zakhar) plonge au cœur de ses rêves, dialogue avec le fantôme d’un petit garçon qui, d’avoir trop aimé patiner sur la glace, a fini par se noyer. Loin d’être triste, l’esprit revit chaque nuit dans les songes des autres. Si l’écriture manque un brin de densité, le récit de propos, la proposition est parfaite pour éveiller les jeunes au théâtre. Assis par terre en spirale autour du comédien, ils vivent l’histoire au plus près avant de déguster de délicieux sablés qu’ils ont eux-mêmes confectionnés.

Un peu plus tard, un verre de Pineau à la main, c’est aux adultes que Ce silence entre nous de Mihaela Michailov s’adresse. Construit en sept actes comme autant de tableaux, autant de situations où la maternité est au cœur des problématiques, cette pièce, créée en 2021 au Théâtre de l’Union à Limoges, dans le cadre des Zébrures d’Automne, invite à une réflexion sur ce que veut dire être mère, sur le droit à toutes les femmes de décider de leur corps, de choisir de ne pas avoir d’enfant. Jouée en extérieur par Ysanis Padonou et Johanna Silberstein — elles étaient trois à la création —, l’œuvre semble plus prégnante, plus audible dans le beau décor du petit mur qu’en salle. 

Dostoïevski à la folie 

La journée touche à sa fin. Le soleil se cache derrière les cimes des arbres. Sur la presqu’île, Mathias Zakhar s’attaque avec une belle ingéniosité à une nouvelle de Fiodor Dostoïevski, Nuits blanches : roman sentimental. Entre chien et loup, le comédien et metteur en scène nous invite, à l’orée de la nuit, à assister au moment où un jeune rêveur (fiévreux Charlie Fabert) fait la rencontre d’une belle inconnue (épatante Anne Duverneuil) qui va bouleverser à jamais sa vie. 

Solitaire errant, le jeune homme semble trainer son existence comme un poids. Rien ne le retient à la terre, sauf peut-être le visage triste de cette jeune fille, Nastienka. En quête d’un amour perdu, elle revient tous les jours sur ce pont, dans l’espoir que la belle promesse faite il y a un an au locataire de sa grand-mère se réalise. De leur mal-être, de leur solitude, une flamme va jaillir. Entre amour et amitié profonde, il y a un pas. Seront-ils tous les deux en capacité de franchir ?

Une jeune pousse qui deviendra grande 
Les Nuits Blanches, de Fiodor Dostoïevski, mis en scène par Mathias Zakhar © Joseph Banderet
Les Nuits Blanches, de Fiodor Dostoïevski, mis en scène par Mathias Zakhar © Joseph Banderet

Se servant du magnifique terrain de jeu qu’offre le parc du domaine, Mathias Zakhar, qui avait présenté une maquette de ce spectacle dans le cadre du dispositif Jeunes Pousses qu’organise chaque année la Maison Maria Casarès, offre un bel écrin de verdure au magnifique texte du dramaturge russe. Dans ce cadre bucolique, l’esprit des spectateurs vagabonde, se laisse porter par la poésie qui se dégage de cette histoire impossible, de cet amour contrarié. Les tensions sont palpables. Les corps des deux comédiens s’arcboutent, se tendent pour mieux s’étreindre puis se séparer. Que ne donnerait-on pas pour une minute de bonheur, un instant suspendu qui comblera toute une vie… 

La soirée s’achève à la nuit tombée, autour d’un verre, d’un dîner sous la guinguette. Maria Casarès, telle un ange bienfaiteur, semble veiller sur ce lieu loin du monde où le théâtre touche autant les novices que les aficionados. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Alloue

Festival d’été 2023
La Maison Maria Casarès
Domaine de la Vergne
16490 Alloue
24 juillet au 18 août 2023
Du lundi au vendredi

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