Quel genre d’objet Lumen Texte est-il ? Sans aucun doute, la pièce d’Olivier Boréel et Perrine Mornay s’inscrit dans les horizons les plus marginaux de la programmation du Off, ceux qu’ouvrent quelques théâtres aventureux au-delà des sentiers disciplinaires. Voilà du spectacle vivant sans l’ombre d’un interprète sur scène, toujours étonnant, même si ce n’est pas une première fois. Cette pièce-là remplace la parole par du texte, projeté du début à la fin sur un écran blanc face au public. Et rien d’autre, à une boîte de Schrödinger près. Le texte seul parle, changeant de sujet comme de police, jouant ici avec sa propre forme, et là avec la dimension performative de son énoncé. Parfois, il se pare aussi d’une personnalité aguicheuse ou poétique, c’est selon, qui tire le métadiscours vers d’autres horizons, déjà plus théâtraux.
Mais la projection de texte ne nous renvoie-t-elle pas, somme toute, au régime de consommation médiatique actuel, celui dont on cherche justement à s’échapper au spectacle, dans la communion de la salle et la présence de comédiens en chair et en os ? Pas vraiment. D’abord, on devine progressivement que le texte s’adapte aux décisions du public, qu’il agit alors comme un agent vivant, deux yeux dessinés sur le mur personnifiant ce principe. En outre, comme le titre l’indique, le corps de la pièce est fait de texte, mais aussi de lumière. Et celle-ci, sur scène, vient éclairer d’une lumière douce le public, faisant glisser le centre de gravité de la pièce dans les gradins. C’est définitivement là que le spectacle a lieu, dans la façon dont le texte fait ou ne fait pas bouger, parler, chanter le public. Cette tendance à ne pas se suffire à lui-même mais de s’appuyer sur le public est ce qui fait de Lumen Texte, davantage qu’un exercice sèchement conceptuel, une expérience réussie d’alchimie spectatorielle.
Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon
Lumen Texte d’Olivier Boréel et Perrine Mornay
Théâtre du Train bleu – Festival Off Avignon
40 rue Paul Saïn, 84000 Avignon
Du 7 au 26 juillet 2023
Durée 45 min
Mise en scène Olivier Boréel, Perrine Mornay
Création logicielle Sébastien Rouiller