Créé en 2012 au Théâtre du Ranelagh, Colorature, Mrs Jenkins et son pianiste, la pièce de l’américain Stephen Temperley, brillamment interprétée par Agnès Bove et Grégori Baquet, revient, le temps du Festival Off Avignon, au Théâtre du Chien qui fume. On ne boude pas son plaisir devant cette « soprano qui chantait faux divinement bien » !
© BM Palazon
Florence Foster Jenkins méritait bien un spectacle ! Pour mémoire, rappelons combien cette milliardaire a marqué la musique dans les années 1930 par son style très particulier, celui de chanter faux. L’écouter dans le grand air de La reine de la nuit de Mozart déclenche d’immenses éclats de rire.
Casseroles et faussets
Depuis quelque temps, ce personnage aussi attachant qu’agaçant a inspiré également des réalisateurs, comme Xavier Gianolli (dans Marguerite, avec Catherine Frot), ou Stephen Frears, qui faisait endosser son rôle à Meryl Streep. Plus de quatre vingts ans après sa mort, celle qui rêvait de gloire doit observer, de son paradis lyrique, les régulières rééditions de ses enregistrements avec une certaine délectation. L’auteur américain Stephen Temperley fut l’un des premiers à s’intéresser à ce personnage hors du commun. Sa pièce, adaptée brillamment par Stéphane Laporte, est un bijou finement ciselé.
L’action se passe en 1964, dans un club de jazz new-yorkais. Un homme pianote. Il s’appelle Cosme McMoon et aujourd’hui, il a le vague à l’âme. Pris à partie par les consommateurs, qui n’en peuvent plus de sa tristesse, il explique la raison de son blues. Il y a vingt ans, celle qu’il accompagnait a quitté ce monde. Le pianiste enchaîne et se met à raconter sa collaboration atypique et artistique avec Florence Foster Jenkins. À travers une suite de flash-backs, nous découvrons leur relation de travail et voyons se fortifier une amitié. Car le musicien n’aura de cesse de protéger la cantatrice d’un monde dans lequel elle n’avait pas sa place.
Duo de choc et de charme
L’auteur dépeint une femme certes un brin extravagante, mais sincère dans sa folie. La mise en scène d’Agnès Boury règle ce ballet entre le présent et les souvenirs avec grâce. Elle imprime un beau tempo, qui donne beaucoup de charme au spectacle. Les lumières de Laurent Béal contribuent largement à créer une atmosphère douce. Les costumes d’Eymeric François sont superbes, surtout ceux de la grande soirée au Carnegie Hall. Ce soir-là, la « Castafiore » y changea de robes à chaque air !
Si nous sommes tour à tour amusés et émus, c’est grâce à la qualité des deux interprètes. Jamais ils ne tombent dans la caricature. Agnès Bove a la difficile tâche d’incarner Mrs Jenkins. La gageure pour cette excellente chanteuse lyrique est de chanter faux avec autant de justesse ! Formidable comédienne également, elle donne à son personnage une dimension pathétique et poignante à la fois. Grégori Baquet incarne avec de belles nuances ce pianiste intransigeant que la diva agace, mais qui se montre attentionné envers la femme fragile. Il est exceptionnel dans son récit du fameux récital du Carnegie Hall. À voir et à revoir !
Marie-Céline Nivière
Colorature, Mrs Jenkins et son pianiste de Stephen Temperley
Festival Avignon Off
Théâtre du Chien qui fume
75 rue des Teinturiers
84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet 2023 à 21h15, relâche les mercredis 12, 19, 26 juillet.
Durée 1h20.
Texte français de Stéphane Laporte.
Mise en scène d’Agnès Boury.
Avec Agnès Bove, Grégori Baquet ou Cyril Romoli.
Lumières de Laurent Béal.
Costumes d’Eymeric François.
Décors de Claude Plet.