Après avoir étudié le théâtre et le mime au Québec puis en France à l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières, l’artiste canadienne Kathleen Fortin, à la tête de la Cie PuceandPunez depuis 2018, a posé ses valises le temps du Off d’Avignon à la caserne des Pompiers. Elle y présente sa dernière création, Où cours-tu comme ça ?, une pièce très rythmée, à la fois théâtrale, musicale et dessinée. Du beau théâtre d’objets !
© PuceandPunez
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Toute petite, mes parents m’avaient emmenée voir Casse-Noisette aux grands ballets canadiens pour Noël. Mais je crois que j’ai appris le théâtre à cause de mes parents qui étaient bigots. C’est à l’église, lors de la cérémonie du jeudi Saint où j’ai compris l’importance du spectacle : c’est la messe où Jésus doute. Chez nous, on recouvrait une après l’autre les statues, on tamisait les lumières, et on partait dans la noirceur avec les femmes qui marmonnaient le chapelet. J’en avais des frissons.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je ne sais pas. Depuis l’école primaire, je savais que je voulais faire cela. Faire du spectacle.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne et metteuse en scène ?
Tout d’abord, j’ai voulu être comédienne. Mais je sentais que je n’étais pas faite du même bois que mes congénères. C’est en voyant un spectacle d’Ilka Schönbein que j’ai su que je voulais être marionnettiste. Ensuite, c’est à Charleville-Mézières que j’ai découvert qu’écrire était important pour moi.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Mon premier spectacle pro est un spectacle de la compagnie Montréalaise Omnibus, du théâtre corporel. Lors de ma première année dans une école de théâtre, j’avais été renvoyé par un prof qu’aujourd’hui, on qualifierait de toxique, qui m’avait dit que je n’avais rien pour faire le métier. Pour moi, qu’une équipe pro me fasse confiance, c’était une revanche.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Il y en a eu plein : Ariane Mnouchkine, Wajdi Mouawad, Luc Amoros.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Après l’école, on me proposait que des postes d’assistante à la mise en scène. Ce que je ne voulais pas. Luc Amoros m’a offert d’intégrer sa compagnie. J’y ai trouvé une région où loger, un amoureux, des amis. C’est grâce à lui que je suis restée en France.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
J’aime travailler avec ce que nous donne les gens. J’aime essayer d’emmener des individus dans mon délire. De voir qu’ils s’approprient les choses.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La forêt, avec sa complexité, sa résilience, sa richesse, et son côté sombre, dangereux, violent, sauvage.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Je l’aime autant qu’elle me fait peur. Toujours peur de ne pas être à la hauteur. Que quelqu’un se lève pour me dire : tu n’as rien pour faire ce métier. Et en même temps, je ne peux faire que cela. Inventer des histoires et trouver le moyen de les raconter.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Dans mes jambes. Ça grouille. Si j’ai envie de bouger, c’est que c’est bon.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Il y en a trop.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Ceux que je ne connais pas encore.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un mélange entre un recueil de poésie québécoise, avec des manuels de science et d’histoire, une scie à chantourner, et des personnages qui essaient de se tenir debout.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Où cours-tu comme ça ? de Kathleen Fortin
Festival OFF d’Avignon
La Caserne des Pompiers
116, rue de la Carreterie
84000 Avignon
du 7 au 25 juillet 2023 – relâche les 13, 20 juillet 2023 à 12h50
Durée : 1h05
Mise en scène de Kathleen Fortin
avec Philippe Cousin, Yuko Oshima, / Frédéric Guerin (en alternance), Régis Reinhardt, / Edouard Heilbronn (en alternance)
Régisseur lumière – Régis Reinhardt, / Edouard Heilbronn (en alternance)