Geli © Mathieu Morelle

Diastème ranime Geli, la nièce de H.

Diastème évoque la tragique histoire de Geli, la nièce d'Hitler, morte à 23 ans, en 1931.

Geli © Mathieu Morelle

Dramaturge, auteur, metteur en scène et réalisateur de talent, Diastème est un habitué d’Avignon, comme si Le bruit des gens autour, lui permettait de faire La Paix dans le monde, de grimper dans La tour de Pise et de prendre 107 ans… Coup de cœur pour sa nouvelle création.

© Mathieu Morelle

Une jeune femme est au-devant de la scène, dans un halo de lumière. Elle déverse sa parole, révélant qu’elle est morte. Elle avait 23 ans. Un âge fait pour vivre et non mourir. Elle ne se rappelle plus, pourquoi et comment cela est arrivé ? Son trou de mémoire compense le trou dans sa poitrine. S’est-elle suicidée ? A-t-elle été assassinée ? On est suspendu à ses lèvres… On comprend vite qu’elle a quitté le monde des vivants en 1931, que son oncle bien-aimé y est certainement pour quelque chose… Et puis, au détour d’une description, on saisit que son tonton adulé et chéri, jusqu’à l’inceste, n’est autre qu’Adolphe Hitler !

Mourir d’aimer

Ce long monologue d’ouverture est magistralement tenu par Aliénor de La Gorce. Elle ne lâchera rien dans la montée crescendo de ce prologue saisissant qui, par bien des sujets évoqués, parle encore aujourd’hui. Cette toute jeune comédienne est une révélation. La qualité de son jeu ne baissera jamais. Car son personnage, fantomatique au début, reprend vie, non pas dans le passé, mais dans la tête d’un auteur dramatique qui va entamer avec elle un beau dialogue.

Fasciné par l’histoire de la nièce d’Hitler, découvert à la lecture d’une biographie sur le chancelier, l’écrivain a décidé de lui consacrer une pièce. Elle le mérite, car nous sommes peu à connaître l’histoire d’Angela Maria Raubal, dite Geli, qui fut retrouvée morte dans le bureau de celui qui allait devenir le chef du IIIe Reich. Nul n’a su ce qui s’est vraiment passé. Il n’est pas bon d’avoir une morte dans son bureau lorsque l’on s’apprête à conquérir l’Allemagne et le monde. Ensemble, l’auteur et son sujet vont tenter de résoudre cette énigme.

Geli © Mathieu Morelle
© Mathieu Morelle

La force et la beauté de ce texte se retrouvent dans cette rencontre entre cet homme, brisé par une rupture, et cette jeune fille morte d’avoir trop aimé la mauvaise personne. L’épatant, Frédéric Andrau, comédien fétiche de l’auteur, est bouleversant dans ce personnage qui cherche à combler le vide de la perte de sa femme. Elle l’a quitté, parce qu’il avait perdu de vue ces petits liens qui relient deux êtres. C’est elle, qui au début de leur rencontre, lui a fait découvrir Geli. Ainsi, il a le sentiment de boucler la boucle. Avec ce personnage, Diastème se penche aussi sur la création et ce petit rien qui peut déclencher l’inspiration.

La marche de l’histoire

Mais la grande question est de comprendre quel rôle cette jeune fille qui aimait rire, chanter, danser, a joué dans la tragique histoire du monde qu’est la Seconde Guerre mondiale. Car après sa mort, comme l’a dit Goering, « Hitler a perdu la dernière goutte d’humanité qui lui restait ». Est-elle la première victime du nazisme ? Est-ce par sa faute que 64 millions de personnes connurent la mort durant cette sinistre période. La réponse est simple. « Je ne suis pas mon oncle ! Je ne suis pas le IIIe Reich ! » Elle n’était qu’une jeune fille que la folie d’un homme a détruite, comme tant d’autres.

Sous le magnifique jeu de lumières de Stéphane Baquet, Diastème fait évoluer avec une grande poésie cet entre-deux mondes, les morts et les vivants. De cette plume que l’on aime tant, il met en place un texte d’une puissance qui nous atteint au plus profond de notre réflexion sur le monde et sur l’amour. Et puisque « le poète à toujours raison », on déclare avec l’auteur et metteur en scène, que la création artistique est l’avenir de l’humanité.

Marie-Céline Nivière

Geli, texte et mise en scène de Diastème.
Manufacture des Abbesses
7 rue Veyron
75018 Paris.
Du 26 novembre 2023 au 16 janvier 2024.
Les lundis, mardis, mercredis à 21h, dimanche à 20h.
Durée 1h10.

Festival Off AvignonThéâtre du Chêne noir.
8 bis rue Sainte Catherine 84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet à 21h, relâche les lundis.

Avec Frédéric Andrau et Aliénor de la Gorce.
Lumières de Stéphane Baquet.
Musique de Mathieu Morelle.

1 Comment

  1. … les critiques de Marie Céline Nivière sont toujours dans le 1000 avec l’élégance en prime … merci à elle de nous mettre si justement l’eau à la bouche …

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