An Oak Tree, Tim Crouch, Festival d'Avignon ©Christophe Raynaud de Lage
An Oak Tree, Tim Crouch, Festival d'Avignon ©Christophe Raynaud de Lage

An Oak Tree de Tim Crouch, sans ombre

Au Festival d'Avignon, le metteur en scène brittanique Tim Crouch présente An Oak Tree pour sa première française. Expérience de jeu et parabole d'un deuil impossible, la pièce se montre rigide le soir de la première.

An Oak Tree, Tim Crouch, Festival d'Avignon ©Christophe Raynaud de Lage

Au Festival d’Avignon, le metteur en scène britannique Tim Crouch présente An Oak Tree. Expérience de jeu et parabole d’un deuil impossible, la pièce se montre rigide le soir de sa première française.

© Christophe Raynaud de Lage

On attendait An Oak Tree comme l’un des premiers gages du focus sur la langue anglaise voulu par Tiago Rodrigues pour sa première année à la tête du festival. Il s’avère que la pièce trouve particulièrement bien sa place dans cette 77e édition, en cousine cachée de By Heart qui clôt le festival. Cette autre pièce-hommage participative invite des interprètes d’un soir, piochés dans le public, suivent les directives d’un metteur en scène présent avec eux sur les planches. Relativement peu connu dans l’hexagone, beaucoup plus outre-Manche, Tim Crouch a beau avoir créé la pièce en 2005 et l’avoir tournée 360 fois autour du monde, c’est la première fois, en ce début de festival, que le public français la découvre.

Le metteur en scène, l’acteur, l’hypnotiseur et le thérapeute
An Oak Tree, Tim Crouch, Festival d'Avignon ©Christophe Raynaud de Lage
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Dans le genre du théâtre prestidigitateur, Crouch sort les grandes cartes, habillé d’un veston de magicien et accompagné d’une rythmique cheap sur hauts-parleurs grésillants, tel un arnaqueur de grande surface. Amusant dédoublement que celui-ci, qui fait du metteur en scène au plateau un entertainer louche, et de l’opération théâtrale un numéro hypnotique. Comme il faut un acteur à diriger, il le pioche dans le public, ce soir-là Natacha Koutchoumov, les autres soirs Teresa Coutinho, Adama Diop, David Geselson, Cynthia Loemij ou Vítor Roriz. La comédienne, qui a laissé sa place au générique de Dans la mesure de l’impossible en milieu de festival, s’installe sur une rangée de chaises dont les autres occupants seront, eux, à imaginer.

Comment faire un deuil ? Comment le faire quand c’est sa fille que l’on pleure, que celle-ci est morte jeune dans un accident de voiture, percutée par un conducteur distrait et coupable ? L’interprète invitée se retrouve à incarner Andy, le père endeuillé de Claire, sous les indications du metteur en scène. Andy est allé chez l’hypnotiseur pour soigner son incurable chagrin, comme s’il y avait quelque chose à voir entre l’artiste de foire et un thérapeute. Lui, en maître cruel d’un jeu parfois inconfortable, invite un instant le père à se mettre dans la peau du conducteur qui a tué l’enfant. Plus tard, amenant l’esprit du sujet hypnotisé au bord de la route où la vie a basculé, il devient la mère, suppliant son mari de rentrer à la maison. Mais sa fille est là, soutient-il en pointant un chêne du doigt, qui lui tient compagnie sous la pluie.

Script
An Oak Tree, Tim Crouch, Festival d'Avignon ©Christophe Raynaud de Lage
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On perd le compte des transferts et métempsycoses qui ont lieu dans la pièce, du présent de la représentation où le metteur en scène et son interprète se parlent en leurs noms propres au temps traumatique duquel émergent les personnages de fiction. The Oak Tree fonctionne ainsi à la fois comme une sublimation du deuil et du déséquilibre qui suit la perte, et comme le documentaire de sa propre création — la distribution annoncée pour cette arrivée à Avignon traduit d’ailleurs quelque chose du dessein renouvelé du festival, constituant une fresque sélective du théâtre européen réunie sous la bannière de la langue anglaise par l’œil décalé d’un metteur en scène britannique.

Crouch a beau être habillé en Messmer entre les ombres nocturnes du cloître des Célestins, The Oak Tree fait finalement le choix d’éclaircir toute zone d’ombre concernant ce qui a réellement lieu sur scène, tenu tout du long par un script dont il rappelle régulièrement l’existence, laquelle est a fortiori réaffirmée par les surtitres. L’attention se reporte alors rapidement sur l’examen distancié et analytique de l’expérience en cours. Les échanges entre acteurs se font plus arides. Il manquait sans doute quelque peu de jeu en ce soir de première : Natacha Koutchoumov, comédienne pourtant singulière, est apparue étouffée par cette partition. Peut-être faudra-t-il, pour les interprètes à venir, que coure le bruit de ce qu’il se passe dans le cloître pour que vienne y souffler un peu plus d’air.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon

An Oak Tree de Tim Crouch
Festival d’Avignon
Cloître des Célestins
Place des Corps-Saints, 84000 Avignon

Du 6 au 11 juillet 2023
Durée 1h15

Tournée
Du 4 au 27 août 2023 Edinburgh Festival Fringe (Royaume-Uni)

Texte Tim Crouch
Mise en scène Tim Crouch, Karl James, Andy Smith
Musique Peter Gill
Traduction pour le surtitrage Catherine Hargreaves.
Avec Tim Crouch et un nouvel invité ou une nouvelle invitée a chaque représentation : Teresa Coutinho, Adama Diop, David Geselson, Natacha Koutchoumov, Cynthia Lœmij, Vitor Roriz.

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