Lorsque Benjamin Bellecour et Pierre-Antoine Durand imaginent en 2006 le festival des Mises en capsules, ils essuient une flopée de questions et de réflexions : « A quoi ça sert, quinze spectacles de trente minutes dans une salle de cent vingt places ? » « Qui ça va intéresser ? » « Comment vous allez vous en sortir, techniquement ? » « Si on peut arriver quand on veut, ce sera ingérable ! » « Vous n’êtes pas un peu jeunes pour vous lancer là-dedans ? ». On peut le dire aujourd’hui : ils ont bien fait de s’accrocher. Car depuis dix-sept ans, les années covid en moins, chaque édition a permis de découvrir de nombreux artistes et leurs créations.
Cette année la consécration a eu lieu lors des Molières, car un bon nombre des lauréats sont passés par le festival, comme Sara Giraudeau (5e édition), Aïda Asgharzadeh (6e et 10e éditions), Kamel Isker (4e et 10e éditions), Johanna Boyé (11e édition), Lison Pennec (13e édition), Marie Julie Baup et Thierry Lopez (14e édition). Sans oublier le maître de cérémonie, Alexis Michalik. Qui, de cette 16e édition, connaîtra le même destin ?
Le public aux anges
Hasard du calendrier, deux ponts et pas des moindres, Ascension et Pentecôte, auraient pu gêner le début de la manifestation. Il n’en est rien : les spectateurs étaient au rendez-vous. Certains soirs affichaient même complet. Comme toujours, on y croise les habitués et les novices. Les premiers se divisent en deux : il y a les professionnels de la profession et le public friand du concept. Quant aux seconds, souvent traînés par les premiers cités, ils sont vite séduits et promettent de revenir.
À la différence de l’année passée, pour cause d’agenda trop chargé, je n’ai pas pu suivre les trois sessions. Mais bon, sur les seize spectacles programmés, cela en fait quand même onze ! Une chose m’aura fortement marquée : l’attention du public et surtout ses réactions. Pour me comprendre, il faut connaître ou imaginer l’ambiance festive qui règne dans la salle lorsque chacun prend place sur son fauteuil. Les gens savent que la plupart des spectacles programmés vont être drôles ou surprenants. Lorsque Mickaël Chirinian a commencé son récit sur Mengele, où que l’équipe de Smudge a fait entendre son sujet, on n’entendait plus une mouche voler dans la salle. Et ça, c’est merveilleux !
Les coups de cœur
La disparition de Josef Mengele, d’après le roman d’Olivier Guez, adapté et interprété par le brillant Mickaël Chirinian et mis en scène par Benoît Giros. Un spectacle coup de poing qui raconte comment celui que l’on nommait « L’ange de la mort d’Auschwitz » a pu échapper à la justice. Impressionnant.
Smudge, de Rachel Axler, adapté et mis en scène par Tadrina Hocking, avec Constance Carrelet, Rudy Milstein, Alexandre Texier. Lorsque l’enfant tant attendu paraît mais qu’il n’est pas comme les autres. Bouleversant.
Dîner(s) entre filles, d’Axelle Jah Njiké, mis en scène par Benjamin Gauthier, avec Samantha Markowic, Lauriane Escaffre, Marie Sohna Condé, Lucie Sauveur. De quoi parlent les filles lorsqu’elles se retrouvent ? De la vie et de tout ce que cela comporte. Pertinent.
Fredoom club, texte et mise en scène de Nicolas Le Bricquir, avec Léa Luce Busato, Lou Guyot, Jérémy Lewin, Mathis Sonzogni. Ils se rebellent contre les dysfonctionnements de notre société et l’Intelligence Artificielle et tombent dans le piège de l’arroseur arrosé. Bien vu.
On avait dit pas les mères, d’Alexandre Texier, mis en scène par Jill Gagé, avec Christophe Fluder, Laetitia Giorda, Eve Herszfeld, Laurent Muzy, Alexandre Texier. Et si pour sauver le système de santé, on kidnappait la mère cancéreuse de la ministre de la Santé ? Cocasse.
Les surprises
Godzilla bémol, la catastrophe musicale, création collective sur une idée originale de Zacharie Saal, avec Calypso Larrazet Llop, Camille Long, Aude Macé, Martin Pauvert, Zacharie Saal, Jean-Baptiste Schmitt, Nicolas Soulié, Ana Torralbo. Une comédie musicale déjantée, avec un véritable monstre sur scène. Prometteur.
The Loop, de Robin Goupil et Tristan Cottin, mis en scène par Robin Goupil,avec Tristan Cottin, Juliette Damy, Laurent Robert. Un jour sans fin dans un bureau de shérif où un suspect passe à l’interrogatoire. Une bonne idée.
Exposé de vulgarisation sur les fantômes, texte et mise en scène de Pierre-Antoine Bilon, avec Pierre-Antoine Billon, Anthony Courret, Dominique Massat, Antoine Millet, Léa Millet. Savez-vous ce qu’est une farandole ? Un projet audacieux et cocasse.
Marie-Céline Nivière
Les Mises en Capsules.
Théâtre Lepic
1, avenue Junot
75018 Paris
Du 22 mai au 10 juin 2023.
Du lundi au samedi à 19h.