I'm Deranged de Mina Kavani © Laura Severi

Mina Kavani, l’exil au bord des lèvres

Regard bleu azur, intense, présence magnétique, l’actrice téhéranaise vit depuis plus de sept ans en France. Elle a dû fuir son pays, quitter la terre de ses ancêtres, pour avoir joué cheveux et corps dénudés dans le long-métrage engagé de Sepideh Farsi, Red Rose. Vibrante sur les planches, lumineuse à l'écran, Mina Kavani porte au plateau, dans I'm deranged, qu'elle présente le 13 juin 2023 à la Friche de Belle de Mai, dans le cadre des Rencontres à l'Échelle, son histoire et ses fêlures. Une artiste à cœur ouvert !

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mon premier souvenir, ce sont les répétitions de mon oncle Ali Raffi avec ses acteurs. Avant qu’ils ne commencent les répétitions officiellement, ils se retrouvaient chez lui et ils lisaient la pièce ensemble. Je montais alors les rejoindre – mon oncle habitait juste au-dessus de chez nous – et je les regardais travailler des heures et des heures…

I'm deranged de Mina Kavani © Laura Severi

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je pense que sans que je m’en rende compte je suis tombée amoureuse du théâtre en participant aux répétitions de mon oncle. J’avais 12 ans, il montait Les Noces de sang de Garcia Lorca. J’avais déjà pris ma décision, je voulais devenir actrice ou comédienne.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être artiste de l’éphémère ?
C’est vital pour moi, si je ne le fais pas, je meurs… C’est le centre de ma vie, c’est ce qui me rend équilibrée.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Il neige pas en Égypte monté par mon oncle… Au théâtre de la ville de Téhéran… Je me sentais au bon endroit, à ma place. J’étais heureuse et épanouie d’être à côté de tous ces acteurs magiques… C’est très étrange parce que c’était la première fois que je foulait les planches d’un théâtre, mais pour moi c’était comme la suite logique de quelque chose qui était déjà là au plus profond en moi…

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Krystian Lupa… Ce que je peux vivre quand je suis à côté de lui ça vient d’un autre monde, je n’ai vécu ça qu’avec lui, j’ai même découvert des choses en moi dont je n’étais pas consciente… Je me dépasse, c’est un magicien, aucun endroit, je suis aussi proche de moi-même… C’est un grand-maître et je suis très très heureuse que mon chemin ait croisé le sien…

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Krystian Lupa… et Abel Ferrara que j’ai rencontré à Rome. J’en étais très bouleversée.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Ce métier me permet de rester vivante, de continuer à respirer et de ne pas souffrir. C’est un ballon d’oxygène, ce sont les moments où je suis vraiment heureuse. J’ai besoin de m’exprimer à travailler l’art sinon j’étouffe !

Qu’est-ce qui vous inspire ?
LA VIE !

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Passionnée, douloureuse, vitale.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Dans mon cœur, dans mes poumons, là où je respire.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Krystian Lupa, Leos Carax, Abel Ferrara, Arnaud Desplechin, Paolo Sorrentino, beaucoup dans le cinéma quand même ! Mais la liste est longue…

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Ce sont souvent des films dont les réalisateurs sont même plus vivants… Ça m’arrive beaucoup de me dire, j’aurais bien voulu être dans tel film… Mais en ce qui concerne le théâtre, je pense que j’ai une faible pour le théâtre polonais, pour toujours Lupa, mais aussi Warlikowski. J’aime beaucoup aussi l’univers de Castellucci, même si c’est très art plastique, mais j’aimerais faire partie d’un de ses tableaux…

Avez-vous des lieux de prédispositions pour créer vos spectacles ?
Non, mais il y a un endroit où je suis plus attirée pour travailler, je suis très sensible aux énergies des lieux, je choisis souvent parce que je sens un endroit…

Votre art est hybride, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Ma vie est hybride, donc forcément mon art est hybride. Je suis déchirée entre deux pays, deux langues, deux cultures. La vérité, c’est que je n’appartiens à nulle part, à aucun pays ! Je ne me considère même pas comme un exilé parce que je n’appartiens à personne et à aucun pays !
Par contre, je pourrais être prisonnière de mon désir pour la liberté… Tout ça fait qu’il y a un mélange dans ce que je pourrais créer.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Le Cri d’Edward Munch.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

I’m deranged de Mina Kavani 
Les Rencontres à l’Échelle
Petite Salle de La Friche de la Belle de Mai
41 Rue Jobin
13003 Marseille
Le 13 juin 2023 à 19h30

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com