Aux Nuits de Fourvière à Lyon, dans l’antique théâtre, la danse de Millepied rencontre la musique jouée en direct par Alexandre Tharaud et le tout fait de bien belles étincelles.
© Paul Bourdrel
Sur le plateau, un piano à queue, une table, un écran viennent s’ajouter au décor naturel du site, quelques colonnes antiques. En survet et débardeur, Benjamin Millepied s’échauffe comme si de rien n’était, alors que pas moins de 5000 yeux suivent chacun de ses mouvements. La nuit tombe, il disparait le temps d’enfiler sa tenue de lumières, un pantalon un peu plus chic. Arabesques, pirouettes, glissades, manèges, l’artiste, revenu depuis peu des États-Unis où il a fait une belle carrière de danseur et de chorégraphe, entre à nouveau en scène, plus fringant que jamais, et enchaîne avec une belle maîtrise les pas du classique. Rejoint par le pianiste virtuose, il joue, se laisse aller, cabotine avec malice. La complicité entre les deux transparaît dans leurs sourires, leurs regards.
Des arts conjugués
Benjamin Millepied aura cinquante ans dans une poignée d’années, Alexandre Tharaud les a depuis quelque temps. L’un a grandi à Bordeaux, l’autre à Paris. Rien ne semble les réunir, si ce n’est leur goût commun pour les Partitas de Bach, les Piano Sonatas de Beethoven, les Impromptus de Schubert ou les Gnosiennes de Satie. Pourtant, entre eux, c’est une évidence. Leur connivence est là, présente au plateau, tellement intense, qu’elle déborde en vagues et traverse le quatrième mur. Si cela n’était pas suffisamment palpable, ensemble, ils remontent le fil de leur mémoire, reviennent sur leur enfance, évoquent leurs mères, toutes deux professeures de danse, et tissent un pas de deux entre danse et musique, entre deux hommes rêvant encore d’arrêter le temps, de continuer éternellement à s’amuser comme des gamins insouciants, heureux, gâtés par la vie.
Le temps de la récré
Ça pétille à tous les étages. Sans prise de tête, sans chichis, Millepied et Tharaud, tels des ados espiègles, se challengent, se défient. L’un vient serrer l’autre dans ses bras alors qu’il joue, l’autre s’essaye à quelques pas chassés ou s’amuse à accélérer le tempo. L’ambiance est clairement joyeuse, festive. Le public conquis en redemande, applaudit à ce jeu artistique, cet « battle » où les égos sont restés en coulisses. Joliment emballé, Unstill Life est un sympathique duo, une bouffée d’air frais en ces temps moroses, un avant-goût estival doux, plaisant. Les coussins qui volent par milliers pour acclamer la performance en sont la plus belle conclusion…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Lyon
Unstill Life de Benjamin Millepied et d’Alexandre Tharaud
Nuits de Fourvière
Grand Théâtre
Rue de l’Antiquaille
69005 Lyon
Jusqu’au 15 juin 2023
Durée 1h30 environ
Tournée
Les 24 et 25 juin 2023 au Festival de Spoleto
le 2 juillet 2023 au Théâtre Jean-Deschamps, Festival de Carcassonne
du 6 au 8 juillet 2023 au Théâtre des Champs-Élysées
le 9 avril 2024 à LA Phil, Los Angeles, États-Unis
Chorégraphie, danse – Benjamin Millepied
Piano – Alexandre Tharaud
Collaborateur artistique – Olivier Simola
Dramaturge de Loïc Barrère
Costumes de Camille Assaf
Musique de Bach, Beethoven, Schubert, Ravel &Rameau