Au théâtre Joliette à Marseille, le chorégraphe libanais ouvre Les Rencontres à l’Échelle, festival international des arts contemporains, avec sa dernière création, Iza Hawa.
© Agnès Mellon
Régulièrement programmé au Festival d’Avignon sous l’ère Py, Ali Chahrour a su au fil de ses pièces, imposé un style épuré, minimaliste et contemplatif. Évoquant son pays, son histoire, les blessures subies ancrées dans sa chair, dans son âme, il esquisse dans Iza Hawa, avec la complicité de Roger Assaf et Hanane Hajj Ali, couple iconique de la scène intellectuelle et artistique libanaise, un portrait poétique, mélancolique autant que tragique de Beyrouth.
voyage immobile dans la ville qui ne meurt pas
Le moment est d’importance. L’émotion se lie sur les visages de Julie Kretzschmar, directrice de la manifestation et de Nathalie Huerta, à la tête du lieu depuis septembre dernier. Cette première européenne est pour les deux femmes l’occasion d’affirmer leur volonté de mettre en avant des artistes rares, de porter aux plateaux des récits de vie d’ici et d’ailleurs, de proposer des œuvres traversées par d’autres cultures, d’autres vécus.
En présentant le travail d’Ali Chahrour, elles invitent à découvrir autrement le Liban et sa capitale, d’en percevoir les fêlures et les meurtrissures à travers l’intimité amoureuse d’une femme et d’un homme, unis depuis des décennies et qui tiennent bon alors que tout s’écroule autour, les murs de la cité ébranlés par les deux explosions d’août 2020, la crise financière et politique d’un état corrompu jusqu’à la moëlle.
Deux monstres sacrés
Gestes lents, pas de deux au ralenti, Roger Assad, canne à la main, et Hanane Hajj Ali, silhouette noire, gracile,habitent la scène nue de leur présence intense, vibrante. Entre eux, c’est à la vie, à la mort. Lui se recroqueville, elle, droite, protectrice, ouvre les bras pour le soutenir. C’est beau, touchant, troublant.
Soutenus par la présence au plateau du chorégraphe et de son assistant Chadi Aoun, transportés par les musiques jouées en direct parAbed Kobeissy, allant d’une revisite des trompettes de Jéricho à d’autres sons plus technos, ces deux astres portent en eux les stigmates d’un pays qui s’écroule ainsi que sa force humaniste qui le maintien à flot.
Histoires de transmissions, d’amour, de tendresse dans un monde à l’agonie, Iza Hawa s’insinue lentement en chaque spectateur. Le temps s’étire à l’envie, trop certainement, mais c’est aussi dans cette écriture mélancolique presque crépusculaire que le geste d’Ali Chahour se trouve magnifié.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Marseille
Iza Hawa d’Ali Chahrour
Festival Les rencontres à l’Échelle
Théâtre Joliette
2 place Henri Verneuil
13002 Marseille
Juin 2023
Durée 1h
Chorégraphie et mise en scène d’Ali Chahrour
avec Hanane Hajj Ali, Roger Assaf
Musique composée et interprétée par Abed Kobeissy
Directeur de production et Assistant à la mise en scène – Chadi Aoun
Concepteur lumière et Directeur technique : Guillaume Tesson
Ingénieur du son – Benoît Rave