Médée de Lisaboa Houbrechts ©Vincent Pontet
Médée de Lisaboa Houbrechts ©Vincent Pontet

Médée, si seulement

À Richelieu, Lisaboa Houbrechts adapte la «Médée» d'Euripide avec Sephora Pondi dans le rôle-titre, et la noie dans une surcharge d'effets.

Médée de Lisaboa Houbrechts ©Vincent Pontet
©Vincent Pontet

On ne veut pas s’arrêter aux souvenirs d’excès de pompe théâtrale que ravive le lever de rideau, dévoilant un grand tissu occupant tout le centre de la cage pour bientôt s’envoler vers les cintres, découvrant Séphora Pondi hurlant de douleur. On aimerait pouvoir sauver cette Médée. D’abord parce que sa metteuse en scène, Lisaboa Houbrechts, avait suscité l’engouement dans nos colonnes avec son récent Pépé Chat. Aussi parce qu’en ressortant des tiroirs le classique d’Euripide, jamais joué depuis une mise en scène de Jean Gillibert en 1981, la trentenaire souligne paradoxalement la place du mythe dans le zeitgeist et promet qu’on puisse creuser de nouvelles réflexions dans sa friction avec le monde contemporain, comme y parvenait il y a peu Alice Diop dans un film shortlisté aux Oscars, Saint-Omer.

Trouver grâce à la mère infanticide, n’est-ce pas, de toute façon, la tentation des générations successives de ses spectateurs depuis l’Antiquité ? Dans ses failles, derrière le crime, l’image de chacun se reflète. Mais encore faut-il pouvoir, justement, scruter les reliefs et les aspérités d’un personnage complexe par essence, pas seulement dans ce qu’il a d’insondable mais également dans l’épaisseur opaque de sa cruauté. En dépit de l’interprétation engagée et sensible de Séphora Pondi ou de la réplique qui lui est donnée avec beaucoup d’élégance par Suliane Brahim en Jason, la nouvelle Médée se perd dans le sursignifiant théâtre d’images de la Belge. Ce ballet d’artifices cherche son cœur. Ce n’est pas faute d’en avoir collé un, luminescent, à la poitrine de l’héroïne. Il n’assume pas non plus de réel éparpillement baroque, par trop démonstratif. « Si seulement, » comme le grommelle en boucle Bakary Sangaré observant la tragédie depuis son rôle de nourrice, si seulement on avait pu sauver Médée !

Samuel Gleyze-Esteban

Médée de Lisaboa Houbrechts
Comédie-Française
Salle Richelieu
Place Colette, 75001 Paris 

Du 12 mai au 24 juillet 2023
Durée 1h25

Traduction : Florence Dupont
Adaptation et mise en scène : Lisaboa Houbrechts
Dramaturgie : Simon Hatab
Scénographie : Clémence Bezat
Costumes : Anna Rizza
Lumières : Fabiana Piccioli
Musique originale : Niels Van Heertum
Chants : Jérôme Bertier
Son : Jeroen Kenens
Travail chorégraphique : Tijen Lawton
Maquillages : Céline Regnard
Assistanat à la mise en scène : Céline Gaudier
Assistanat à la scénographie : Nina Coulais de l’académie de la Comédie-Française
Assistanat aux costumes : Clément Desoutter de l’académie de la Comédie-Française

Photos ©Vincent Pontet

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