Cahin Caha © Pascal Gely
Cahin Caha © Pascal Gely

L’univers de Valetti sublimé par deux virtuoses

Cahin Caha de Serge Valetti est un petit chef-d’œuvre d’intelligence humoristique, mis en scène par Gilbert Rouvière et interprété magistralement par Jean-Claude Leguay et Daniel Martin. On y court !

La définition de Cahin-Caha est claire : « formule exprimant l’idée qu’une chose ou un projet arrive à son terme mais que tout ne s’est pas déroulé de façon harmonieuse, que le cheminement a été chaotique ou bancal ». La pièce débute sur cet échange délicieux, dit par les deux comédiens en voix off : l’un demande « comment on commence ? » et l’autre répond « comme d’habitude ». Ils apparaissent, les premiers rires fusent.

Joute philosophico-burlesque

Qui sont ces deux huluberlus ? Ils portent un costume identique, mais l’un aborde un nœud papillon et des chaussettes vertes, l’autre une cravate courte et des chaussettes rouges. Tous les deux tiennent à la main un étui. À chacun son instrument à vent. Des musiciens ? Que font-ils là ? L’un s’appelle Cahin et l’autre Caha. On sent qu’ils se connaissent bien, même très intimement. Il faut bien cela pour oser lancer cette question : « Je me demande lequel de nous deux va crever en premier ! ».

Cahin Caha © Pascal Gely
© Pascal Gely

À parti de là, des « diablogues » à la Dubillard s’établissent entre les deux hommes. En apparence, ils discutaillent à propos de tout, ne se mettent d’accord sur rien, raisonnent et déraisonnent. Mais en les écoutant bien, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Le débat n’est pas dépourvu de sens, quitte à en prendre des interdits ! Ils s’interrogent sur eux, sur l’art et la création, sur l’amour, sur une femme qui empoisonne leur vie, sur la rupture, sur l’existence, le sens de la vie et sa finalité qu’est la mort… On comprend qu’en réalité, ils ne sont qu’une seule entité entêtée qui soliloque. S’explique donc le sous-titre de la pièce, « Dialogue pour un homme seul »

« Être clown est un état, pas une fonction », disait Pierre Étaix

Ce texte génial de Valetti est composé comme une partition musicale dont chaque note doit être exécutée avec brio. Et lorsque l’on tombe sur deux stradivarius comme Jean-Claude Leguay et Daniel Martin, l’œuvre résonne alors comme une symphonie qui enchante nos oreilles et notre esprit. Les deux comédiens possèdent un sens du comique et de l’absurde des plus pointus. Comme les grands clowns, ils savent s’écouter et se répondre, jouer de leurs différences, manier les nuances, jongler avec les mots, faire valser les sentiments et demeurer toujours sincères. Balin-balan, ils mènent cette « autodiscussion » avec un grand savoir-faire. Leur prestation frise le sublime.

Gilbert Rouvière n’en est pas à sa première incursion dans le monde ensoleillé de l’auteur marseillais. Avec le Zinc Théâtre, sa compagnie très fortement implantée dans le Sud, il a monté en 2002 Pourquoi j’ai jeté ma grand-mère dans le Vieux-Port, avec Lionel Astier. C’est Daniel Martin qui est allé le chercher pour les accompagner dans ce projet. Il a bien fait. La mise en scène est d’une grande subtilité. Elle met en lumière ce qui se cache réellement derrière ce texte : l’histoire d’un homme face à la page blanche, un auteur qui se nomme Valetti et qui signe là un chef-d’œuvre.

Marie-Céline Nivière

Cahin Caha de Serge Valetti.
Festival Off AvignonLa Scala-Provence.
3 rue Pourquery de Boisserin 84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet 2023 à 17h30, relâche les lundis.

Durée 1h05

Les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs
75001 Paris.
Du 28 mai au 20 juin 2023.
Les dimanches, lundis et mardis à 21h.

Mise en scène de Gilbert Rouvière.
Avec Jean-Claude Leguay et Daniel Martin.
Scénographie de Marie Nicolas.


Bande Annonce Cahin Caha © On s’en occupe – Corine Péron

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