Dans le cadre du Festival 100 %, La Villette présente Madrigals, la dernière création barrée et baroque du jeune prodige flamand Benjamin Abel Meirhaeghe.
© Fred De Brock
À vingt-sept ans, Benjamin Abel Meirhaeghe en a sous le capot. Diplômé de l’Académie de théâtre de Maastricht, contre-ténor autodidacte, performeur, metteur en scène, ce véritable touche-à-tout n’a peur de rien sauf peut-être de l’ennui. Pour ce nouvel opus grand format, l’artiste s’empare des Madrigaux de Claudio Monteverdi. Composés entre 1587 et 1638, ils constituent une œuvre de huit livres, dont le dernier intitulé Chants d’amour et de guerre, sert de terreau fertile et d’unique fil conducteur à cet inclassable et iconoclaste spectacle qui emprunte aux arts autant visuels qu’opératiques, aux traditions européennes comme japonaises.
Dans un silence assourdissant, une fissure déchire le rideau de scène, d’où sort un rayon de lumière qui fend l’obscurité. Au loin, une silhouette féminine apparaît. Nue, elle traverse le plateau transformé en parcours de course d’obstacles. Voix déformée, suraiguë, rappelant celle d’un étrange oiseau ou d’une pythie antique, elle invite chaque spectateur à plonger en son moi intérieur, en quête de ses lointaines origines, d’une Lucy réinventée. Commence alors un voyage énigmatique, opératique, une sorte de transe rituelle dans un univers multiple qui emprunte au Jardin des délices de Jérôme Bosch, aux dessins rupestres et à la grotte de Platon.
Multivers artistique
Dans le plus simple appareil, les huit interprètes, tous habités et engagés, offrent leurs corps singuliers au regard du public. Portés par leur propre chant et la musique jouée en direct par des musiciens installés côté cour en fond de scène, en solo, par deux ou en groupe, ils habitent le plateau. Virevoltant en ronde, tournant autour d’un feu, les artistes revisitent, à travers une succession de tableaux décousus, sans lien apparent les uns avec les autres, l’histoire de l’humanité jusqu’à une rave party finale salvatrice, où l’amour se mêle à la guerre.
Ici, c’est le monde. N’essayez pas de le comprendre. Laissez vos esprits cartésiens dehors, abandonnez-vous entre les mains de Benjamin Abel Meirhaeghe et pénétrez dans son univers unique et délirant. Rien ne garantit que vous serez séduit, que vous serez emporté dans son tourbillon créatif, mais une chose est sûre, vous serez surpris. Et c’est déjà beaucoup !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Madrigals de Benjamin Abel Meirhaeghe
Festival 100 %
La Villette
211 Av. Jean Jaurès
75019 Paris
jusqu’au 15 avril 2023
durée 1h30
Concept et réalisation de Benjamin Abel Meirhaeghe
Musique de Doon Kanda (aka Jesse Kanda) & Claudio Monteverdi
Direction musicale et co-compositeur – Wouter Deltour
Dramaturgie et recherche – Louise van den Eede
avec Hanako Hayakawa, Alice Giuliani, Els Mondelaers, Lucie Plasschaert, Khaled Barghouthi, Clément Corrillon, Victor Dumont & Antonio Fajardo
Scénographie et design de lumière – Zaza Dupont & Bart van Merode
Œuvres des co-curateurs – Koi Persyn
Chorégraphie de Sophia Rodriguez en collaboration avec les interprètes
Encadrement musical Pieter Theuns
Encadrement vocal – Rosanne Groenendijk
Coaching shibari – Marc Beshibari
Musiciens/quatuor – Madoka Nakamaru, Wouter Deltour, Pieter Theuns, Rebecca Huber of David Wish
Artistes visuels – Sanam Khatibi, Justin Fitzpatrick, Thomas Renwart, Anthony Ngoya, Gilles Dusong, Christiane Blattmann, Daan Couzijn, Che Go Eun, Tom Hallet, Nokukhanya Langa & Tristan Bründler
Vidéo Filip Anthonissen
Costumes Kasia Mielczarek
