Sous l’impulsion d’Émilio Calcagno, son directeur depuis 2021, le Ballet attaché à l’Opéra Grand Avignon sort de sa zone de confort et se confronte à des nouvelles écritures et de nouveaux esthétismes. Pour le deuxième programme de la saison, qui s’attèle à la relecture de deux classiques de la danse du début du XXe siècle, L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky et le Boléro de Ravel, le foisonnant chorégraphe a confié respectivement les rênes de la troupe à Édouard Hue et à Hervé Koubi. S’emparant chacun à leur manière de ces deux « hits », les deux artistes font souffler un vent tous azimuts sur la cité des papes.
Ancien danseur de la compagnie d’Hofesh Schechter, le franco-suisse Édouard Hue, étoile montante de la scène chorégraphique contemporaine, a la lourde tâche de revisiter le classique de Stravinsky. Oscillant entre une écriture résolument moderne et un attachement très fort à l’histoire, il signe une partition assez sage fort respectueuse de l’œuvre originale. Malgré de beaux moments, comme les drapeaux d’or virevoltant qui figurent l’arrivée de l’Oiseau de feu, bien que sa patte faite de déliés, de gestes itératifs, de mouvements rapides, saccadés, soit visible en filigrane, que sa danse intuitive irrigue la pièce, l’ensemble cherche encore son souffle, sa cohésion, ne trouve pas le rythme qu’il veut lui insuffler. L’objet est en devenir, le temps devrait permettre de lisser l’ensemble et permettre aux interprètes de se fondre dans un tout plus percutant.
Face à lui, Hervé Kouby a la mission bien différente mais tout aussi délicate de proposer une nouvelle version du. Boléro de Ravel. Œuvre emblématique du compositeur français, écrite pour la danseuse Ida Rubinstein, nourrit, depuis sa création en 1928, du fait de son tempo invariable et du crescendo graduel qui en fait toute sa force et sa puissance, l’imaginaire des chorégraphes. Clairement, c’est un sacré morceau à revisiter. Avec malice, aidé par le talent de son fidèle collaborateur le musicien Maxime Bodson, le chorégraphe, basé depuis peu à Calais, contourne en partie la difficulté en s’appuyant sur une partition originale qui habille la musique originelle et lui donne par endroit une densité sourde et une texture plus intérieure, plus intime, permettant au chorégraphe de se détacher de l’uniformité de la mélodie pour donner libre court à son imagination fertile. Conjuguant portés, fondus-enchaînés, jetés de jambes tendus, roulades, matières dont ils sont plus familiers, les danseurs et danseuses font corps pour un joli rendu. Abandonnant leur reflexes et se laissant porter par la rythmique, ils offrent au public avignonnais, un spectacle tout en efficacité et rondeur.
Le pari d’Emilio Calcagno de varier les plaisirs et les styles fonctionne au long cours et laisse entrevoir de belles promesses pour le troisième programme de la saison, 7*7 salon chorégraphique, qui invite 7 chorégraphes à créer des duos avec le corps de ballet.
Olviier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Programme 2
Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Place de L’horloge
84000 Avignon
L’Oiseau de Feu d’Igor Stravinsky
Chorégraphie d’Édouard Hue
Musique d’Igor Stravinsky
Costumes de Sigolène Pétey
Lumières d’Arnaud Viala
Assistant artistique – Rafaël Sauzet
Boléro de Maurice Ravel
Chorégraphie et lumières D’Hervé Koubi
Musique de Maurice Ravel
Costumes de Guillaume Gabriel
Musique électronique de Guillaume Gabriel