Après un séjour à Tokyo, où il vient de monter avec sa complice Delphine Lanza une pièce pour 15 comédiens japonais, Dorian Rossel a présenté à Lausanne sa toute nouvelle création, Tous les poètes habitent Valparaiso, un spectacle inspiré de l’histoire des deux Juan Luis Martinez, le poète chilien et l’auteur suisse. Inventif et rêveur, le metteur en scène suisse se prépare pour le marathon avignonnais. Dès le 7 juillet, il posera ses valises au Théâtre Transversal. N’hésitez pas à aller à la rencontre de son univers.
© Diana M Photography
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un souvenir vague vers trois ou quatre ans : celui de l’odeur d’une salle de théâtre qui, dans mon souvenir, était immense… Bien des années plus tard, j’ai rendez-vous dans une salle minuscule et je reconnais immédiatement cette même odeur. Sans aucun doute possible, je savais que c’était la salle immense que j’avais visité enfant.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Des souvenirs très intenses de vie à plusieurs, de respiration commune entre la scène et la salle, la beauté du geste, le goût de ce temps partagé, sa texture et sa qualité. C’est cette présence vivante qui m’intéresse…
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
À douze ans, j’ai joué au théâtre de Vidy-Lausanne le rôle principal de Quand j’avais cinq ans je m’ai tué. Après ce succès, beaucoup de gens me disaient : « De toutes façons, toi, c’est sûr que tu vas en faire ton métier ! » Mais j’ai vraiment pris la décision bien plus tard, quand j’ai compris qu’avec ce métier, je pourrai être en quête de choses qui m’intéressent : des liens forts et divers, des surprises, des voyages, des thématiques nouvelles à explorer…
Donc que le théâtre n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour travailler à essayer d’être plus sensible, plus vivant, plus présent… On m’a raconté qu’enfant ou adolescent, quand on me demandait si j’allais consacrer ma vie au théâtre, je répondais : « Oui, si j’ai le temps. »
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
J’aimais la diversité et la puissance de l’art scénique, pour la suite, je me demande ce qu’on choisit… J’ai commencé comédien, puis j’ai voulu explorer plus les richesses de ce langage scénique, que quelque chose d’autre se passe sur scène, aller ailleurs que ce que l’on me proposait comme comédien… Les collègues que j’avais pu réunir pour ces recherches semblaient nourris et intéressés et dans un deuxième temps, le public aussi… Le désir de nouvelles explorations ne s’est jamais tari…
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Peter Brook, Claude Régy, Le théâtre du Radeau,… et puis des spectacles spécifiques : Le Tas de Pierre Meunier, La face cachée de la lune, Le monde d’Albert Cohen, L’effet de Serge, La mélancolie des dragons , Show must go on…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Delphine Lanza, nous avons fondé ensemble la Cie Super Trop Top. Depuis le début, nous rêvons tous les projets en dialogue également avec Carine Corajoud à l’écriture dramaturgique. Yoshi Oïda, Peter Brook, Robert Lepage et René Gonzalez ont été d’une incroyable générosité et bienveillance à mon égard. Mais je pourrais aussi citer quasi tous les partenaires avec qui nous avons pu inventer, construire et produire nos spectacles.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Quand on fait un pas, c’est le déséquilibre qui permet d’avancer, alors peut-être que mon métier est nécessaire à mon déséquilibre…
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La vie, ses liens visibles et invisibles… Et tous les êtres humains qui ont le goût d’y prendre soin.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Multiple, il n’est que désordre.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Le désir est partout, il ne choisit pas. C’est ce qui relie les différents moteurs du corps humain.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
La liste est longue. Il y a par exemple tellement d’acteurs et actrices avec qui je voudrais pouvoir travailler et pas assez de rôles, de temps, de projets…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Cette année, avec Delphine, on a pu mener une création avec quinze comédiens japonais à Tokyo et c’était une expérience marquante, si riche et passionnante que le rêve serait de pouvoir recommencer et aussi mener d’autres rencontres artistiques en terres inconnues…
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
J’aimerais qu’elle ait l’élégance d’une dramaturgie de Deflorian et Tagliarini, la joie d’une sonate de Mozart, la force d’une chorégraphie de Keersmaeker, l’espace d’une œuvre d’Anish Kapoor, les couleurs de James Turrel ou Olafur Eliason, la simplicité d’un Markus Raetz, l’humour de Wim Delvoye…
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Tous les poètes habitent Valparaiso de Carine Corajoud en collaboration avec Dorian Rossel
Cie Super Trop Trop
Création à la Grange de Lausanne le 7 mars 2023
Tournée
Le 17Mai au Casino – Théâtre Rolle
Du 7 au 25 Juillet 2023 au Théâtre transversal, Festival d’Avignon 2023
Conception et mise en scène de Dorian Rossel assisté de Clément Fressonnet
Avec Fabien Coquil, Karim Kadjar et Aurélia Thierrée
Collaboration artistique – Delphine Lanza
Dramaturgie de Carine Corajoud
Scénographie de Sibylle Kössler/ Florian Gibiat/ Cie STT
Lumières d’Yann Becker
Création sonore d’Anne Gillot
Costumes de Fanny Buchs assistée de Iryna Kliuchuk
Construction décor Florian Gibiat
Régie Matthieu Baumann et Benoît Boulian