L’été des Charognes de Simon Johannin - Mise en scène d'Hubert Colas © Hubert Colas

L’Été des charognes, une plongée vertigineuse dans la ruralité

Au théâtre des Calanques, Hubert Colas donne chair et corps au premier roman de Simon Johannin, L’Été des Charognes.

L’été des Charognes de Simon Johannin - Mise en scène d'Hubert Colas © Bellamy
© Hervé Bellamy

Au théâtre des Calanques, à quelques encablures de Montevidéo, lieu de créations et de nouvelles écritures contemporaines, menacé de fermeture, qu’il dirige à Marseille, Hubert Colas donne chair et corps au premier roman de Simon JohanninL’Été des Charognes. S’emparant avec sensibilité des mots de l’auteur tarnais, inspirés de son enfance mazamétaine, au pied de la montagne noire, massif montagneux constituant le rebord méridional du Massif Central, il insuffle poésie et délicatesse à ce parcours initiatique d’un enfant confronté, aux portes de l’adolescence, à la sauvagerie, au bon sens brut, sans filtre, d’un monde rural vivant en vase clos et assez terre-à-terre. 

Dans un espace démesuré, rappelant quelques cuisines contemporaines grises et aseptisées, aux dimensions disproportionnées, Hubert Colas joue des contrastes et emmène le spectateur dans un monde onirique bien loin du monde rustique qu’évoque le texte. Là où habite le narrateur, lieu-dit au nom évocateur de la Fourrière, on lapide le chien de la « conne de voisine ». Pas par cruauté, mais par simples représailles, elle n’avait pas qu’à écraser son chat. On entasse les bêtes mortes, on tue le cochon. On vit retiré du monde, loin de la civilisation. On s’amuse sans foi ni loi, on joue à des jeux bêtes et méchants. On construit des amitiés pour demain. On se laisse porter par les saisons, les moissons, le travail à la ferme et le ramassage scolaire. Le temps défile sombre, âpre, drôle parfois. Jamais noir, plus prosaïque que violent, le récit offre au cœur de ce nulle part de belles fulgurances, de troublants éclats d’humanité. 

Au-delà des mots, de la mise en scène joliment sophistiquée et de l’immense écran où défile des images aériennes de forêts domaniales, il y a le jeu sidérant de Thierry Raynaud. Dégingandé au visage pâle, aux cheveux noir corbeau, le comédien habite le texte avec de belles modulations. Passant avec une fluidité remarquable des gestes maladroits de l’enfant à ceux plus affirmés de l’adulte, il illumine ce récit d’une « colorature » faite de nuances, de pas de côté épiques, de vertigineuses et fiévreuses envolées. Travail de dentelle, moment suspendu, cet Été des charognes est une ode à ces ailleurs, à cette France profonde, que l’on a trop tendance à regarder de haut, sans vouloir en voir la sauvage et brutale beauté. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore- Envoyé spécial à Marseille

L’été des Charognes de Simon Johannin
Théâtre des Calanques
35 traverse de Carthage
13008 Marseille

Jusqu’au 26 mars 2023
Durée 1h10

Mise en scène et scénographie d’Hubert Colas assisté de Salomé Michel
avec Thierry Raynaud
Régie générale et son – Frédéric Viénot
Régie lumière – Nils Doucet 
Images – Sébastien Pont 
Création vidéo – Pierre Nouvel
Régie vidéo – Lucas Tafferant 

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