L’enfance est un pays dont on s’échappe, mais dont on ne se défait jamais. Ses odeurs restent ancrées sur tout ce qui nous constitue. Le parfum d’une madeleine pour Proust, d’une tarte aux pommes sortant du four pour d’autres, et voilà la figure maternelle qui revient à notre mémoire. Pour Norah Krief, ce fut le poème d’Ibrahim Nagi, Al Atlal, que chantait la grande Oum Kalthoum. C’est Wajdi Mouawad qui lui avait demandé d’en interpréter un extrait dans le spectacle Phèdre(s).
Ces quelques vers ont plongé la comédienne dans ces souvenirs de jeunesse. Cette chanson était celle que sa mère écoutait à la maison. Al Atlal, (Les Ruines) raconte les vestiges d’un amour et le rêve d’un pays perdu. De sa Tunisie natale, Norah n’a aucun souvenir. Elle ne sait pas parler l’arabe et n’a pas bien suivi les conseils culinaires maternels et ancestraux qui donnent au couscous ce goût inoubliable. Enfant, elle a voulu s’intégrer, ne plus être la petite fille juive tunisienne aux cheveux crépus. Comment comprendre l’exil ? Comment ressentir ce que sa mère vivait ?
En une heure de pur bonheur, Norah Krief se dévoile. Sur scène, elle redevient cette petite fille qui, devenue grande, éprouve le besoin de renouer un dialogue avec celle qui n’est plus. Le texte, construit comme des lettres adressées à sa mère, est lumineux. La comédienne est une personne solaire et chacune de ses paroles nous atteint et nous touche. Le poème d’Ibrahim Nagi, qu’elle chante divinement, s’intercale à son récit. La beauté des mots du poète, traduits sur le rideau, et de la musique de Riad Al Sunbati, jouées en direct, nous transporte vers des contrées lointaines. De sa conception, en passant par sa scénographie, tout est beau dans ce spectacle où la nostalgie touche au cœur.
Marie-Céline Nivière
Al Atlal, chant pour ma mère de Norah Krief
Festival Re.Génération
Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier
75014 Paris.
Du 28 mars au 8 avril 2023.
Mardi, mercredi, vendredi à 20h, jeudi à 19h, samedi à 16h.
Durée 1h.
D’après le poème d’Ibrahim Nagi, chanté par Oum Kalsoum sur une musique de Riad Al Sunbati en 1966.
Avec Norah Krief, Frédéric Fresson ou Antonin Fresson, Lucien Zerrad et Mohanad Aljaramani ou Hareth Mhedi.
Écriture et dramaturgie de Norah Krief et Frédéric Fresson.
Création musicale de Frédéric Fresson, Lucien Zerrad et Mohanad Aljaramani.
Collaboration artistique de Charlotte Farcet.
Traduction de Khaled Osman.
Regard extérieur d’Éric Lacascade.
Création lumière de Jean-Jacques Beaudouin.
Scénographie et costumes de Magali Murbach.
Création son d’ Olivier Gascoin avec Yohann Gabillard.
Collaboration live et machines Dume Poutet aka (Otisto 23).
Coaching chant oriental Dorsaf Hamdani.