Ghislaine Gouby © Gilles Vidal

Ghislaine Gouby, une émancipée à Vannes

Du 27 mars au 2 avril 2023, Les Scènes du Golfe, sous l’impulsion de leur directrice, Ghislaine Gouby, accueillent la sixième édition des Émancipéés.

Ghislaine Gouby © Gilles Vidal

Du 27 mars au 2 avril 2023, Les Scènes du Golfe, sous l’impulsion de leur directrice, Ghislaine Gouby, accueillent la sixième édition des Émancipéés, un festival qui conjugue intensément littérature, musique et art vivant. De Catherine Ringer à Clotilde Hesme en passant par Emmanuel Noblet, Fishback ou Adamo, c’est un vent de poésie qui va souffler une semaine durant sur le Morbihan. Rencontre.

© Gilles Vidal

Quelle est la genèse des Émancipéés ?

Ghislaine Gouby : Dans mon métier de directrice et de programmatrice d’une institution culturelle comme Les Scènes du Golfe, je croise beaucoup d’artistes, je tisse des liens, je prends le temps avec chacun de discuter de leurs goûts, de leurs envies. Au fil de ses conversations, je me suis rendue compte que beaucoup de chanteuses et chanteurs me parlaient de littérature et inversement beaucoup de comédiennes, de comédiens, de metteuses et metteurs en scène, d’autrices et d’auteurs ont souvent une mélodie qui leur trotte dans la tête. Du coup, petit à petit, l’idée m’est venue d’imaginer un temps suspendu dans la saison, où des rencontres entre les arts, les artistes et différentes disciplines soient possibles. C’est quelque chose qui me tenait à cœur de pouvoir réaliser et accompagner, même si ce n’était qu’un instant éphémère. Assez vite, quand j’évoquais ce désir, j’ai senti chez les auteurs comme chez les artistes l’envie de faire ce pas de côté, d’explorer ensemble d’autres formes, de tenter l’aventure d’aller vers l’autre et de voir ce qui aller se produire. 

Cette année, c’est la sixième édition. Comment l’envisagez-vous ? 
Affiche les Émancipéés

Ghislaine Gouby : Avec une certaine impatience et exaltation. C’est un moment repéré dans la saison. Le public a pris goût à cette incartade temporelle, qui permet d’envisager l’art vivant autrement. Ce ne sont ni vraiment des concerts, ni vraiment des spectacles. C’est de la poésie, de la musique, des lectures augmentées. Cela attise les curiosités des uns, les appétits des autres.

Comment avez-vous imaginé la programmation ?

Ghislaine Gouby : Au fil de l’eau pourrait-on dire. Certains artistes m’appellent en me disant qu’ils aimeraient bien lire tel texte et rencontré tel l’auteur. Dans d’autres cas, ce sont les écrivains ou écrivaines qui me contactent car ils aimeraient bien voir telle comédienne ou tels comédien porter leurs mots au plateau. Puis il y a les habitués, qui reviennent, qui connaissent le lieu, le principe, et ont envie de participer. Enfin, lisant beaucoup, notamment l’été, j’engrange un certain nombre de textes, d’idées. Ensuite, il m’arrive aussi de passer commande, car j’imagine certains duos et que je les vois bien partager la scène. C’est très intuitif. Je travaille beaucoup avec Arnaud Cathrine. Il est associé depuis le départ à cette aventure. Ensemble nous contactons les auteurs, les artistes, nous leur faisons des propositions. C’est un écrivain de grand talent, avec qui j’ai lié une belle complicité au long cours.

Beaucoup des performances programmées sont des moments uniques, certains ont-ils vocation à continuer leur route dans d’autres lieux ? 

Ghislaine Gouby : Il est vrai que de nombreux projets sont pensés comme des « one shot », même si je n’aime pas le terme. Toutefois, rien n’est arrêté. Une fois créés, ils ont bien le droit d’avoir une vie par la suite. C’est pour cela que c’est important d’en ciseler la mise à la scène, d’en faire des objets scéniques à part entière. Après malheureusement, les emplois du temps des uns et des autres ne permettent que rarement d’autres dates. Parfois, il y a tout de même de petits miracles. C’est le cas par exemple d’Un jardin de silence, imaginé par Thomas Jolly et L. autour de la chanteuse Barbara, qui a bénéficié d’une petite tournée. Je crois que l’important pour mon équipe et moi-même, c’est d’accompagner la naissance d’un projet, d’en voir les étapes de création. Nous créons des bulles temporelles, dont certaines restent à jamais gravées dans nos mémoires, comme quand Vincent Dedienne, dans Fou de Vincent a lu un texte d’Hervé Guibert sur l’amour homosexuel. La grande salle du Palais des arts était pleine à craquer. Les spectateurs et spectatrices ont fini debout. C’était incroyable, presque inimaginable que ce type de format, hors des sentiers battus, ait un tel retentissement sur le public.

Y-a-t-il des fils rouges dans votre programmation ?
Dabadie ou les choses de nos vies  de Clarika, Maissiat et Emmanuel Noblet © Pascal Gely / Hans Lucas
Dabadie ou les choses de nos vies de Clarika, Maissiat et Emmanuel Noblet © Pascal Gely / Hans Lucas

Ghislaine Gouby : Non, car je fonctionne aux coups de cœur. C’est par exemple le cas avec Maud Lübeck. Cela fait plus de quatre ans que je l’ai découverte et que j’avais envie de l’inviter à Vannes. C’est enfin chose faite. Je lui propose dans le cadre de cette 6e édition, une carte blanche. Avec Alex Baupain et Clotilde Hesme, elle va, je n’en doute pas nous offrir un moment magnifique. Il en va de même avec Catherine Ringer, qui avec L’érotisme de vivre, fait un pas de côté avec un spectacle qui lie théâtre et musique autour des poèmes, sensuelle de la peu connue Alice Mendelson, qui était en fait une amie de son père. La plupart des textes évoque le plaisir, la jouissance au féminin. Cette rencontre a été possible grâce à l’intervention d’Olivier Gluzmann, de la boîte de production Les visiteurs du soir. C’est quelqu’un avec qui je travaille beaucoup. Nous avons des goûts communs, des passions communes. En 2020, à la sortie du confinement, nous avons pu ensemble notamment proposer les premières dates de concert de la tournée de Jane Birkin. C’était tellement magique. Dans le cadre du festival Les Émancipéés, j’ai aussi souvent l’occasion d’échanger avec Olivier Poubelle et Pascal Guillaume, des producteurs avec lesquels nous partageons des valeurs communes. 

En dehors de ce moment à part qui est Les Émancipéés, comment faites-vous la programmation des scènes du Golfe ?

Ghislaine Gouby : les Scènes du Golfe, c’est trois salles, deux à Vannes, une à Arradon. Je crois comme pour beaucoup de choses, j’accueille les spectacles et les artistes que j’invite avec le cœur. J’ai des fidélités que j’aime honorer. Après je marche au feeling, à la rencontre. En tant que Scène conventionnée d’intérêt national, je me dois d’être éclectique, de proposer de la musique, du théâtre de la danse. Au fil de la saison, nous avons par exemple des spectacles importants, presque des incontournables comme Féminines de Pauline Bureau ou le Dom Juan de David Bobée, mais aussi de plus petites formes comme De Bejaïa à Vannes de Claire DiterziJacqueline, écrits d’art brut d’Olivier Martin-Salvan, ou La 7ème vie de Patti Smith de Benoît Bradel. Il en va de même en musique, en danse. J’aime l’idée de m’intéresser à un spectacle parce que j’ai été marquée par une actrice, un acteur, ou parce que le sujet me parait essentiel à la réflexion pour une autre société plus humaine, plus écologique. Je reste persuadée qu’il est important de soutenir un théâtre engagé. D’autant que le public vannetais est très curieux. C’est vraiment une chance quand on dirige une maison de voir que les spectateurs suivent la programmation, se laissent porter par ce qu’on leur propose sans aprioris. 

Que peut- on vous souhaiter ?

Ghislaine Gouby : Du soleil, du public, de la bonne humeur, de belles rencontres et de la découverte, pour faire des Émancipéés un moment inoubliable et que cette saison continue sur sa belle lancée…

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Les Émancipéés
Du 27 au 2 avril 2023
Scènes du Golfe
Palais des arts et des congrès
Place de Bretagne
56000 Vannes

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