Depuis Le Souper de Jean-Claude Brisville, qui met face à face Talleyrand et Fouché, la joute verbale entre deux personnages historiques a son public. Se situant entre vérité historique et fiction, l’exercice est difficile, car il faut que cela nous parle. Les pièges sont nombreux, dont le pire est l’explication encyclopédique. Avec sa pièce L’Araignée, Rémi Delieutraz a su éviter l’écueil en se concentrant notamment sur l’opposition entre le conservatisme et le modernisme, le passé et l’avenir.
C’est en protestant que Luther réforma l’Église
Nous sommes en 1521, le Saint-Empire de Charles Quint est fragilisé par les écrits et les pensées d’un jeune moine, Martin Luther. Ce dernier vient d’être excommunié par le Pape. L’Empereur a convoqué « l’hérétique » devant la diète de Worms, afin qu’il renie ses positions contre le descendant de Saint-Pierre. La veille du procès, en pleine nuit, il le convoque. S’ensuit un combat verbal, qui à regret se résume aux indulgences, à la suprématie papale, au maintien coûte que coûte de La Sainte Ligue catholique, alliance des États allemands catholiques formée dans le seul but de contrecarrer l’Union protestante. À force d’empêcher Luther d’exprimer sa pensée, on passe un peu à côté du sujet.
Il n’empêche que ce spectacle possède de belles qualités, dont la première est la mise en scène de Julien Breda. Aucun habit d’époque n’affuble les deux personnages. L’Empereur est en costume d’aujourd’hui, très élégant. Le moine porte un manteau à capuche, genre loden. L’idée est de montrer que le passé possède encore des résonances dans notre présent. Et clairement, cela fonctionne bien. L’action se déroule dans un décor contemporain qui fait penser à une salle de boxe qui se transforme en salle d’interrogatoire. L’autre grande force de cette pièce réside dans l’interprétation parfaite et très nourrie des deux jeunes comédiens, Jean-Nicolas Gaitte et Maxime Gleizes.
Si on peut s’étonner du titre, L’Araignée, il suffit pour comprendre de chercher dans les phobies de Charles Quint qui avait une peur bleue de ces petites bestioles. Comme quoi, on peut avoir le monde entre ses mains et craindre le plus petit. Si vous aimez les spectacles « historico-théâtrales », vous ne serez pas déçus.
Marie-Céline Nivière
L’Araignée de Rémi Delieutraz.
Studio Hébertot
78 boulevard des Batignolles
75017 Paris.
Jusqu’au 4 avril 2023.
Les lundis et mardis à 19h.
Durée 1h05.
Mise en scène et scénographie de Julien Breda.
Avec Jean-Nicolas Gaitte et Maxime Gleizes.
Création son de SolimanDoré.
Création lumière d’Amélie Mao.
Regard extérieur de Félicien Juttner.