Victor a dix-sept ans. Il est grand, beau, a quelques amis sur lesquels il peut compter, une petite amie, la plus belle fille du lycée. Au premier abord, la vie sans accroc d’un ado sans histoire. Mais un détail vient légèrement troubler le trop idyllique tableau : il vit depuis dix ans chez sa grand-mère, une femme un peu bourrue, un peu revêche, mais aimante à la marge.
Victor a dix-sept ans, donc, mais derrière le sourire de façade et la belle apparence se cache un drame, un terrible secret. Alors qu’il n’avait que six ans, sa mère l’a séquestré, lui et sa sœur, durant plus d’un an et demi. Sans raison apparente, un après-midi, quelques jours après Noël, elle a verrouillé à double tour la porte de leur chambre, les condamnant à être oubliés du monde extérieur, à vivre reclus, dans le noir. Remontant les fils des maigres souvenirs de son enfance fracassée, les minutes du procès qui a vu sa génitrice condamnée, le jeune homme livre par bribes quelques impressions, quelques réflexions et se libère de ce poids lourd, mort, qui lui colle à la peau. La résilience n’est jamais loin, elle affleure à chaque page. Comme conclut si bien l’auteur, « C’est ma mère après tout. »
Ce deuxième roman de Thomas Oussin est comme une promesse. Depuis Soleil de juin (éd. Viviane Hamy, 2021), le style a perdu de sa fraîcheur et de sa radicalité pour gagner en épaisseur. Moins bucolique, moins cinématographique, la plume se fait plus introspective, lucide, littérale. Revisitant du regard de l’enfant sacrifié sur l’autel de la trahison amoureuse le mythe de Médée, il signe un roman bref, qui prend pourtant son temps pour saisir, attraper aux tripes. La claque, l’uppercut, se mérite. Le K.O. n’en est que plus sidérant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
À double tour de Thomas Oussin
Viviane Hamy Éditions
Parution le 01 mars 2023
120 pages
prix conseillé 14,90 €