Sous le regard complice de Célie Pauthe, directrice du CDN de Besançon-Franche-Comté, qui l’a dirigée l’an passé dans Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, la comédienne signe son premier spectacle, le portrait touchant d’une diva de l’âge d’or de la culture moderne arabe.
Sur le plateau de la grande salle du théâtre bisontin, une radio grésille. Une voix d’outre-tombe chante l’impossibilité du grand amour. Derrière un rideau noir presque translucide, Une silhouette de femme se dessine. Visage voilé, Asmahan, star montante de la chanson et du cinéma égyptien des années 40, décédée dans un mystérieux accident de voiture à l’aube de ses trente ans, semble réincarnée ? dans le corps élancé de Dea Liane. Chevelure noir jais remontée en chignon, yeux opalescents, la comédienne joue de sa ressemblance troublante avec la diva pour se fondre dans les images d’archives et leur donner vie.
Histoire(s) miroir
Fille d’un prince Druze, sœur de Farid El Atrache, artiste syro-égytien, véritable icône du monde arable, rivale d’Oum Kalthoum, espionne à ses heures perdues, Asmahan – la Sublime en Persan – , a traversé la vie telle une comète étincelante. Laissant à la postérité deux long-métrages, une trentaine de chansons culte, l’image d’une femme indépendante dans un monde d’hommes, elle est incontestablement matière à récits. Se nourrissant des après-midis passées avec sa mère devant la télé à regarder de vieux films égyptiens, Dea Liane, sortie de l’école du TNS en 2017, plonge ainsi dans un monde de souvenirs et de nostalgie, dans une époque qu’elle n’a pas connue mais si présente dans son cœur.
Vivre libre
Ayant grandi tout comme Asmahan entre la Syrie et Liban, la jeune femme voit dans les étranges résonnances de leurs existences, un terreau fertile aux récits entrecroisés de deux vies, de deux histoires. Partant de ses souvenirs de fillette de neuf ans dans un Beyrouth en pleine renaissance, de son goût pour la musique, l’écriture, de son attachement à une langue, une culture, elle esquisse à travers ses propres aspirations, le portrait d’une femme libre, devenue symbole de révolution dans un monde arabe en pleine ébullition.
Accompagnée, sur scène, au piano par Simon Sieger, Dea Liane vibre à l’unisson avec la diva, lui insuffle une dimension romanesque. Dépassant la simple hagiographie, l’artiste d’origine libano-syrienne fait écho en filigrane à l’actualité. Ismahan n’a certes pas connu la montée du fanatisme religieux, les dictatures, les printemps arabes, mais étrangement elle porte en elle, par sa légende, une lueur d’espoir dans un présent bien sombre. Encore fragile, Le Cœur au bord des lèvres devrait gagner en puissance et intensité au fur et mesure des représentations. Une œuvre sincère et touchante à ne pas rater !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Besançon
Le Cœur au bord des lèvres – asmahan / variation de Dea Liane
CDN de Besançon-Franche-Comté
Avenue Edouard Droz
Esplanade Jean-Luc Lagarce
25000 Besançon
Jusqu’au 3 février 2023
Durée 1h15
en tournée
Du 9 au 22 février 2023 à Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Les 2 et 3 mars 2023 à Châteauvallon-Liberté, scène nationale de Toulon
En octobre 2023 à la Comédie de Caen CDN de Normandie
Mise en scène de Dea Liane
Composition musicale / arrangements de Simon Sieger
Avec la collaboration artistique de Célie Pauthe
avec Dea Liane & Simon Sieger
Création vidéo – François Weber
Création lumières – Sébastien Lemarchand
Scénographie de Salma Bordes en collaboration avec Marianne Tricot
Costumes d’Anaïs Romand
Traduction en arabe égyptien et voix du Journaliste – Georges Daaboul
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez