Philippe Tesson © DR

Au clair de la plume, Philippe Tesson s’en est allé

Avec la disparition, ce mercredi 1er février, à l’âge de 94 ans, de Philippe Tesson, une page de notre histoire se tourne.

Philippe Tesson © DR

Avec la disparition, ce mercredi 1er février, à l’âge de 94 ans, journaliste, chroniqueur, critique de théâtre, directeur de journaux, des éditions de l’Avant-Scène et du théâtre de Poche Montparnasse, une page de notre histoire se tourne. Philippe Tesson était un des derniers représentant d’une époque de tous les possibles.

L’image que je garderais de lui, c’est sa silhouette que l’on apercevait dans les salles de théâtre où il était attendu avec ferveur. Il avait toujours ses lunettes posées sur son front, sa marque de fabrique ! J’aimais son regard lumineux et souvent taquin qu’il portait sur nous. Il y avait aussi son sourire, celui des hommes qui savent user de leur charme. Il était curieux de tout et ne cessait de poser des questions, pour entendre ce que l’on pensait. Même s’il n’était pas d’accord avec nous. Il aimait le débat d’idées et les échanges de points de vue.

Un grand travailleur
Prix du Brigadier 2017 © Laurencine Lot - ART
Prix du Brigadier 2017 © Laurencine Lot – ART

À la lecture de sa biographie, on ne peut qu’être étonné de tout ce qu’il a réalisé dans sa vie. Comment faisait-il ? Ce grand travailleur, boulimique presque, a fondé les journaux Le Quotidien de Paris, Le Quotidien du Médecin. Il a été également directeur de beaucoup de choses, de collection aux éditions de La table ronde, des Nouvelles Littéraires, du jury du Prix Interallié. Comme critique de théâtre, il a œuvré au Canard enchaîné, au Masque et la plume, au Figaro magazine. Il aimait parler de la politique, de la société, mais surtout de sa grande passion, le théâtre. Une de ses grandes fiertés fut de recevoir en 2017, le Brigadier d’honneur.

L’homme des plateaux

Il pouvait être partout, à la télévision comme à la radio. Je me souviens de ses grands échanges d’opinion sur le théâtre avec Jacques Nerson dans l’émission d’Ardisson, Rive Droit – Rive Gauche, sur Paris Premier. Et les fameux « Comment pouvez-vous dire ça, Philippe ? ! » de Nerson. Il pouvait parler de n’importe quel sujet. Pour la petite anecdote, j’avais été contacté par l’équipe de Fogiel, pour venir débattre sur Europe 1 sur ce sujet éculé : Y a-t-il trop de one man shows ?

Lorsque j’arrive, je découvre que je vais devoir me confronter à Philippe Tesson. Je n’en mène pas large, car le vieux loup de mer à bien plus d’expériences du micro que moi. En revanche, je ne cache pas ma surprise, car j’ignorais qu’il était un spécialiste des spectacles d’humour. Après notre prestation, Philippe m’a demandé s’il n’avait pas dit trop de bêtise. Évidemment que non, car il ne parlait jamais à la légère ! Puis il m’a fait des louanges sur mon travail. Un beau cadeau que j’ai emporté dans mon cœur. Il était très sensible aux autres.

Le théâtre au cœur de sa vie
Salle du Poche Montparnasse © DR (Tatoutvu)
Salle du Poche Montparnasse © DR (Tatoutvu)

Sa passion du théâtre l’a conduit à devenir propriétaire d’une salle. Et pas de n’importe laquelle, un petit écrin magnifique Le Poche Montparnasse. Ce lieu de l’avant-garde théâtrale, tenu jusqu’alors par Étienne Bierry et Renée Delmas, allait grâce à lui continuer à exister. Après de gros travaux, repensant tout le hall, avec ce bar accueillant, il en a fait un lieu de vie où spectateurs et artistes se croisent et se retrouvent. À chacune des premières représentations, il venait faire son discours. S’ils étaient souvent un peu trop longs, ils étaient toujours sincères et surtout remplis d’une grande émotion.

Sa programmation de qualité a permis d’entendre de grands textes, de découvrir des artistes, d’applaudir des vedettes dans des registres plus intimes, comme Francis Huster, Jacques Weber, François Marthouret, Dominique Valadié, Maxime d’Aboville et avec lui Michel Bouquet, Chloé Lambert et en ce moment Judith Magre, Samuel Labarthe

Il aimait recevoir les spectateurs, leur proposer un choix souvent éclectique allant des classiques comme Montaigne, Corneille, Racine, Marivaux, Flaubert (Madame Bovary et Un cœur simple), Feydeau, Tchekhov, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Tennessee Williams, Ramuz, en passant par les contemporains, René de Obaldia, Vinaver, Desproges, Zeller, Topor et Ribes, Michel Legrand, Jean-Marie Besset, les anglais Robin Maugham (Le servant), Terrence Rattigan (La version browning)…

Vous allez nous manquer Monsieur. On se joint à la peine et au chagrin de vos enfants, Sylvain, Stéphanie et Daphné, de toute l’équipe du Poche Montparnasse, et de tous ceux qui ont croisé votre route et à qui vous avez donné l’occasion de s’exprimer, les journalistes de vos quotidiens et les artistes du Poche. Au revoir et merci pour tout.

Marie-Céline Nivière

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