Questionnant le vide de nos existences, la vacuité des rapports humains, Nicole Genovese transporte Versailles à Nice, Marie-Antoinette devenant une employée de boutique à l’accent chantant du sud, préférant Amel Bent à Gluck, son amie la Lamballe, une femme sans le sou, Provence, frère du Roi, polémiste réactionnaire et Louis XVI un commercial, bricoleur du dimanche.
Avec facétie déjantée et mauvais goût tout à fait assumé, l’autrice s’amuse à faire cause commune entre l’aristocratie d’hier et les nouveaux riches d’aujourd’hui. Ainsi sur des airs de musique proto-baroque composée et jouée en direct par Francisco Mañalich, l’esprit piquant des lumières, les joutes verbales mordantes des salons d’antan laissent la place aux brèves de comptoir. Réchauffements climatiques, hôpitaux publics, acheter bio et autres sujets d’actualité passent à la moulinette du loufoque, du burlesque et du raccourci.
Jouant des temporalités et des anachronismes, passant du coq à l’âne, Nicole Genovese, à l’écriture, et Claude Vanessa, à la mise en scène, signe un spectacle ovniesque qui s’ancre dans le superficiel et l’exubérant. Ton décalé, jeu pince sans rire et mimiques désopilantes, les comédiens s’en donnent à cœur joie. Face à l’avenir funeste, la décapitation en point de mire de cette classe sociale hors sol, l’ensemble frôle parfois la caricature, le trait d’humour flirte avec le potache et la rythmique fait des anicroches.
Toutefois, et c’est la grande force de cette proposition déjantée gentiment foldingue, Le Rêve et la plainte ne se prend pas au sérieux. Les rires fusent. La salle prend un malin plaisir à voir cette reine de pacotille s’extasier sur sa nouvelle cuisine sur mesure, ce roi à la masse s’apeurer d’un cou coincé entre deux bouts de bambou. Particulièrement foutraque, cette œuvre inclassable, grotesque autant que jubilatoire, fait du bien aux zygomatiques !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le rêve et la plainte de Nicole Genovese
Théâtre des Bouffes du nord
37 bis, bd de la Chapelle
75010 Paris
Jusqu’au 30 décembre 2022
Durée 1H20 environ
Mise en scène de Claude Vanessa
Composition musicale de Francisco Mañalich
Création et régie son d’Emile Wacquiez
Régie générale, création et régie lumières de Pierre Daubigny
Costumes de Julie Dhomps
Scénographie de Nicole Genovese et Pierre Daubigny (avec le conseil précieux d’Antoine Fontaine et Émilie Roy)
Peintures de Lùlù Zhàng
Collaboration Artistique d’Adrienne Winling
Avec Solal Bouloudnine en Alternance avec Raouf Raïs, Sébastien Chassagne, Nicole Genovese, Francisco Mañalich, Nabila Mekkid, Maxence Tual, Angélique Zaini
Crédit photos © Charlotte Fabre