Après deux festivals Off d’Avignon, Moi aussi je suis Barbara de Pierre Notte et Pauline Chagne, mis en scène par Jean-Charles Mouveaux, arrive enfin à Paris. Ce magnifique spectacle vaut toutes les poudres de perlimpinpin pour soigner le mal de vivre. C’est à deux pas du square des Batignolles, au Studio Hébertot, courez-y.
À l’initiative de la comédienne et chanteuse Pauline Chagne, Pierre Notte a repris le prétexte de sa pièce Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Cette Petite cantate qui abordait à travers la déconstruction familiale et les difficultés de communication, l’incapacité de s’ouvrir à la vie. On retrouve dans ce nouvel opus la mère dépassée, la petite sœur scarifiée, le frère muet et Geneviève. Mais ici, la jeune fille ne se prend plus pour la belle Catherine, mais pour Barbara. Dans une réécriture en miroir entre les deux pièces, cet auteur si talentueux, a mêlé ses propres mots aux « chansons et verbutins » de la femme piano.
Et tant pis pour ceux qui s’étonnent… Mais les enfants ce sont les mêmes…
L’idée est excellente. Cette grande artiste a merveilleusement chanté, du bout des lèvres, la vie, la mort, la solitude, les insomnies, l’inceste, l’absence, le mal comme la joie de vivre et surtout l’amour. Nous sommes nombreux à avoir reçu, à la première écoute de ces chansons, ce coup au cœur bouleversant. Cette formidable créatrice nous a alors accompagnés dans notre construction, nous ouvrant ainsi des nouveaux chemins pour aborder les choses de la vie. Il y a eu un avant et un après Barbara.
À mourir pour mourir, je choisis l’âge tendre
Geneviève est une adolescente comme tant d’autres. Ni belle, ni bonne, ne trouvant plus sa place, dehors comme dedans, elle choisit de s’échapper dans un univers fantasmagorique. Quand la vie fait parfois trop mal, il faut s’en échapper. Cette enfant-là confond alors sa réalité à celle de la chanteuse. Elle devient cette femme qui a aimé et a été aimée. Et l’enfant laboureur trace, à travers les angoisses et les peurs de cette femme blessée et lumineuse, le sillon de ses propres manques et par là même de ses espérances.
Attendez que ma joie revienne
Parce que naturelle, la ressemblance entre la grande dame brune et Pauline Chagne est impressionnante. Ainsi la comédienne n’a qu’un pas de deux à réaliser pour que Geneviève soit l’incarnation parfaite de son idole. C’est saisissant ! Nous sommes loin de l’imitation voire de la copie. C’est sa voix, ses intonations, sa gestuelle. C’est comme si Barbara existait à nouveau, là, devant nous. Le tour de force est que nous n’oublions jamais que c’est Geneviève qui se cache derrière la vedette. Donc lorsqu’elle utilise les mots de Barbara, c’est toujours pour évoquer ses propres maux. Sa prestation est magistrale.
C’est pas tous les jours qu’on a Barbara à la maison
Abasourdie par cette mutation, la famille la regarde faire sans réagir comme il faudrait. Comme au jeu des sept familles, il y a la mère. Cette femme au bord de la crise de nerfs depuis que le père est parti. Ne comprenant plus rien à rien, elle est dépassée par les dérangements de sa progéniture. Excellente comme toujours, Flore Lefebvre des Noëttes (en alternance avec Chantal Trichet) transcrit avec justesse les fêlures de cette femme usée qui possède Un certain penchant pour la cruauté.
Marie Negre est poignante dans le rôle de la petite sœur. Cette mauvaise petite fille blonde qui prend plaisir à se découper en morceaux. L’actrice montre sensiblement toutes les contradictions de cette gamine qui hurle son désir de disparaître tout en voulant vivre. Pour ne plus avoir à corriger les fautes des autres, le grand frère a décidé à garder le silence. Jimmy Brégy l’interprète, ainsi que les « hommes » et techniciens de Barbara, avec beaucoup de délicatesse. À noter la présence sur scène du pianiste Clément Walker-Viry, qui les accompagne.
Sur la longue route, qui menait vers vous
Comme souvent chez Pierre Notte, la cuisine est le lieu propice au drame. Jean-Charles Mouveaux, qui s’y connait en fin du monde, y installe avec une belle adresse les méandres de ce « carnage familial ». La scénographie et l’occupation de l’espace nous donnent envie de dire que la photo est bonne ! La langue si particulière et si riche de l’auteur se mélange alors sans déraison à ceux de la chanteuse. Grâce à eux, notre joie revient ! Merci et Chapeau Bas !
Marie-Céline Nivière
Moi aussi je suis Barbara de Pierre Notte et Pauline Chagne.
Studio Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris.
Du 16 décembre 2022 au 2 avril 2023.
Du jeudi au samedi à 21h, dimanche à 15h, relâche les 25 déc. Et 1er janv.
Durée 1h15.
Mise en scène et scénographie de Jean-Charles Mouveaux
assisté d’Esther Ebbo.
Avec Jimmy Brégy, Pauline Chagne, Flore Lefebvre des Noëttes en alternance avec Chantal Trichet, Marie Negre, Clément Walker-Viry.
Chansons de Barbara et Pierre Notte.
Lumière de Pascal Noël.
Adaptation musicale de Clément Walker-Viry.
Costumes de Bérengère Roland.
Directeur technique Thomas Jacquememart.
Crédit photos © Thibaut Darnat.