La Truelle de Fabrice Melquiot - TMS © Martin Dutasta

Souvenir(s) d’Italie 

Au Piano Tiroir de Balaruc-les-Bains en partenariat avec le Théâtre Molière - Sète, scène nationale archipel de Thau, dans le cadre de la semaine sicilienne, Fabrice Melquiot plonge dans ses racines calabraises, dans celles du comédien François Nadin, et esquisse le portrait d’une région, d’un pays gangrené depuis la fin du XIXe siécle par la Mafia. Un voyage immobile à travers des terres arides, le temps, l’histoire.

Sur scène, c’est un vrai bric-à-brac, une caverne d’Ali Baba, comme si chaque élément de ce décor improbable, rappelant à la fois une salle de classe, un bureau, une cuisine de camping, avait une histoire, était comme un caillou dans la mémoire. En boxer bleu-gris, débardeur blanc et tablier immaculé, François Nadin fait son entrée. Démarche décontractée, tel un poisson dans l’eau, il fait le tour du propriétaire, observe la scénographie, soulève un livre par-ci, une bouteille de sauce tomate par-là, s’adresse au public, le questionne sur sa présence au plateau. Certes, il avait demandé à l’auteur et metteur en scène, Fabrice Melquiot de lui écrire un truc simple, un seul-en-scène, mais là vraiment, où est-il tombé ?

Des histoires parallèles
La Truelle de Fabrice Melquiot © Martin Dutasta

Avec humour et dérision, le comédien capte l’attention des spectateurs, les entraîne dans ses pérégrinations, ce voyage retour vers les racines de l’auteur, mais aussi des siennes. Tous deux viennent du sud de l’Italie, de la fameuse pointe de la « botte », de cette région très ensoleillée que l’on imagine rocailleuse, aride, située juste en face de la Sicile. Entremêlant les deux arbres généalogiques, le récit tisse des liens d’un village à l’autre, de cet arrière-grand père parti tenter sa chance aux États-Unis, qui revient tous les deux ans au pays voir sa femme toujours vêtue de noir, ses enfants, cette mère qui a quitté très jeune la maison pour aller rejoindre un cousin éloigné à Modane. Le manque d’emploi, la pauvreté obligent à migrer, à voir ailleurs si l’herbe est plus verte, mais reste toujours en tête le retour sur la terre des ancêtres, aux sources, comme une nécessité, une question de survie. 

En terre mafieuse

Derrière les annuelles et joyeuses vacances chez la grand-mère, restée au pays, une autre réalité fait jour. Celle d’une terre qui a vu naître une pieuvre, un monstre, la Cosa Nostra. Quittant un temps les histoires familiales, François Nadin se mue un prof, en conférencier, avec verve, il nous conte l’histoire de la Mafia, et plus particulièrement de la ‘Ndrangheta — la branche calabraise —, comment, petit à petit, elle s’est implantée, s’est mise à racketter commerçants, entrepreneurs, est devenue un organe indépendant s’infiltrant au cœur de la société civile italienne et de ses institutions, générant chaque année des bénéfices colossaux. Véritable organisation criminelle, qui n’obéit qu’à ses propres lois, celles des clans, elle tue quiconque ose se dresser devant elle. La litanie des juges, des politiques, des pauvres artisans refusant de payer est impressionnante, elle semble sans fin. 

De l’intime à l’universel 

Avec humour et ingéniosité, Fabrice Melquiot signe un seul-en-scène qui, à la manière d’un puzzle, se compose de bribes de récits d’instants de vie, de faits divers et d’informations encyclopédiques, journalistiques, qui finissent par s’imbriquer en un tout limpide et fluide. En mettant en lumières les éléments constitutifs des hommes qu’ils sont devenus, lui l’auteur, l’autre, le comédien, il met en miroir histoires d’hier et d’aujourd’hui, questionne les mémoires individuelles et collectives, touche au cœur des fondations de la société moderne calabraise. 

Porté par l’excellent François NadinLa Truelle — objet symptomatique d’une mafia omniprésente et inquiétante, dont la symbolique est dévoilée à la fin du spectacle — est un bel objet théâtral kaléidoscopique, un vrai outil de mémoire pour aujourd’hui et pour demain. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé Spécial à Sète 

La Truelle de Fabrice Melquiot
Tournée 2023-2024 :
9 novembre 2023 au Théâtre Le Forum de Balaruc-le-Vieux (34).
10 novembre 2023 au Théâtre Molière – Sète, scène nationale archipel de Thau (34).
12 novembre 2023 à la salle Jeanne Oulié – Mèze (34).
13 novembre 2023 au Foyer des campagnes de Poussan (34).
14 novembre 2023 au Théâtre le Périscope de Nimes (30).
22 novembre 2023, en partenariat avec le théâtre des 13 vents, à la Bulle Bleue de Montpellier (34).
23 novembre 2023 au Théâtre Jacques Cœur de Lattes (34).
11 janvier 2024 au Théâtre des 3 ponts de Castelnaudary (11).
13 janvier 2024 à La Strada – Marciac (32).
22 au 26 janvier 2024 au Théâtre Durance – Château-Arnoux-Saint-Auban (04).
21 et 22 février 2024 au Théâtre du Passage – Neuchatel (Suisse).
24 au 27 février 2024 au Théâtre du Crochetan – Monthey (Suisse).
12 au 14 mars 2024 au Théâtre Briançonnais – Briançon (05).


Création le 16 novembre 2022 au Piano Tiroir – en partenariat avec le Théâtre Molière – Sète, scène nationale archipel de Thau
15 avenue de la Pinède
34540 Balaruc-les-Bains
durée 1h20 environ

Tournée 2022
le 17 novembre 2022 au Centre Culturel Nelson Mandela de Loupian
les 18 et 19 novembre 2022 à La Passerelle, Sète

Texte et mise en scène de Fabrice Melquiot
Avec François Nadin
Collaboration artistique – Camille Dubois
Scénographie de Raymond Sarti
Création sonore – Martin Dutasta
Lumièreq – Leslie Sévenier assistée de Laurie Milleron
Costumes – Sabine Siegwalt
Construction décor – Emmanuelle Debeusscher.

Crédit photos © Martin Dutasta

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