Au théâtre Sorano, l’ambiance est festive en cet automne 2022. Depuis le 15 novembre, la 7e édition de Supernova a ouvert ses portes sur la jeune création. Moment phare de la saison toulousaine, la manifestation imaginée par Sébastien Bournac investit pas moins d’une dizaine de lieux culturels de la ville. Rencontre avec l’initiateur du projet et directeur du lieu.
Comment est née l’idée d’un festival associé au Théâtre Sorano ?
Sébastien Bournac : L’idée d’un temps fort dédié à la jeune création est inhérente au projet que j’ai proposé en 2015 à la Ville de Toulouse. Il s’agissait de poser dès mon arrivée à la direction du théâtre, au cœur même de la programmation (en novembre), un espace réservé à la découverte, à la jeunesse, à l’audace et à des prises de risque, pour donner de la visibilité à de jeunes artistes et à des propositions moins identifiées, que nous n’aurions pas forcément, pu présenter dans le fil ordinaire de la saison.
Ensuite le festival, pour trouver sa forme actuelle, s’est façonné peu à peu au fil des éditions. Il s’est étoffé. Il s’agissait au départ d’un temps fort de diffusion (5/6 spectacles) ; aujourd’hui SUPERNOVA est un véritable festival de créations (une douzaine de spectacles présentés dont les 2/3 sont des créations).
L’an dernier, le Ministère nous a attribué l’appellation de SCIN : scène conventionnée pour la jeune création et les théâtres émergents. C’est une belle reconnaissance pour toute l’équipe qui porte le projet. L’affirmation de notre rôle et de notre identité dans l’écosystème théâtral.
Quel en est l’ADN ?
Sébastien Bournac : SUPERNOVA est surtout l’ADN du projet que nous développons au Sorano ! Il en est un marqueur. Je dirais que c’est un temps particulièrement joyeux et festif qui célèbre des commencements : le temps de la rencontre entre un artiste ou une équipe et les publics. C’est un festival de premières fois car les artistes extérieur·e·s invité·e·s, pour la plupart, n’ont jamais présenté leur travail à Toulouse. Et pour ce qui est des équipes régionales, le passage par SUPERNOVA est un moment structurant dans leur parcours, un réel enjeu car la visibilité est plus forte. C’est beau et émouvant comme une naissance quand ça fonctionne. Je pense à Théodore Oliver / MégaSuperThéâtre avec La Fabrique des idoles, à Julie Benegmos / Compagnie Libre Cours avec Strip…
Beaucoup d’artistes avec lesquel·le·les nous compagnonnons aujourd’hui ont été présenté·e·s d’abord à SUPERNOVA : Baptiste Amann, Marion Siéfert, le Raoul Collectif, Rebecca Chaillon…
C’est un festival qui met en avant la jeune création. Pour vous c’est important voire nécessaire de leur offrir de la visibilité ?
Sébastien Bournac : J’ai toujours porté une grande attention à la jeunesse, à la transmission, à la pédagogie. J’ai l’impression qu’avec SUPERNOVA, c’est aussi ce que je continue à faire en tant que directeur, autrement. C’est d’autant plus important que, l’enjeu, en construisant le projet, c’était d’imaginer le théâtre qui manquait à Toulouse, en complémentarité avec les autres structures culturelles. En tant que metteur en scène et directeur de compagnie, j’avais pu souffrir du manque d’un tremplin pour franchir les frontières de la région pour diffuser les spectacles.
Alors j’avais envie de montrer qu’avec de la volonté et un vrai travail de réseau, quelque chose était possible. SUPERNOVA est un festival qui doit attirer les regards sur les jeunes artistes de théâtre qui œuvrent à Toulouse et en Occitanie. En sept éditions, nous sommes devenus le festival de la région le plus important pour la jeune création et les théâtres émergents.
Toulouse, quatrième ville de France mérite bien un tel espace. Il y a bien des talents ici et nous avons le devoir de les aider à grandir et à apparaître avec leurs différences et leurs singularités dans le paysage théâtral contemporain. C’est le théâtre de demain qui s’invente ! C’est une grande responsabilité de créer le désir pour la jeune création chez les spectateur·rice·s.
Comment se fait la programmation ?
Sébastien Bournac : Nous travaillons beaucoup en réseau. Quand les moyens financiers sont contraints, on a malgré tout la force des liens et des connexions que nous avons construits au fil des saisons et des rencontres.
Nous sommes partenaires du festival Impatience, de Fragment(s) et nous avons mis en place, depuis 5 ans, avec le Théâtre Olympia – CDN de Tours, le TU de Nantes, le Théâtre 13 et La Loge un réseau interrégional d’accompagnement de la jeune création, PUISSANCE 4. En région, il y a aussi le Collectif En Jeux et le FONDOC qui permettent de repérer et de soutenir des équipes au bon moment de leur parcours.
Je travaille la programmation avec Karine Chapert, la secrétaire générale du Théâtre. On repère les équipes en région qui nous paraissent en être arrivées au moment où elles ont besoin de cette visibilité pour grandir. On les accompagne plusieurs mois en amont en production, résidences avant la diffusion au Festival. Et, pour ma part, je me déplace beaucoup en France ou dans les pays francophones pour repérer les créations et les artistes qui seront à l’affiche.
Quelle est sa spécificité ?
Sébastien Bournac : Il y a une règle, c’est qu’on ne peut être programmé à SUPERNOVA qu’une fois. Si on prolonge la collaboration avec l’artiste, cela se fait dans le cadre de la saison traditionnelle. Je ne voudrais pas que le festival devienne une excuse ou un ghetto pour la jeune création. Le festival doit servir de tremplin pour nourrir les saisons à venir de la rencontre avec de nouveaux talents.
Nous travaillons à ce que le festival présente un large panel de la jeune création aujourd’hui, autant dans ses formes que dans ses préoccupations. Le fait qu’il y ait maintenant une dizaine de théâtres partenaires pour l’édition 2022 permet beaucoup de jouer sur la taille et les configurations nécessaires à chaque spectacle. La diversité reste un mot d’ordre. Les spectacles doivent faire génération. Il s’agit de voir le monde et l’époque à travers leurs regards. De rester ouverts, curieux à l’inattendu, l’intempestif et de se laisser bousculer, chahuter ou émouvoir par les propositions.
Quels sont les temps forts de cette édition ?
Sébastien Bournac : Avec 10 spectacles présentés, 2 avant-premières, 3 chantiers de créations, un workshop dirigé par l’auteur-metteur en scène Valérian Guillaume, des résidences… le programme à suivre et vivre en deux semaines est très intense et particulièrement immersif dans la jeune création. Notamment dans le week-end central destiné aussi à la venue de professionnel·le·s, qui permet de découvrir 6 propositions.
Dans cette effervescence, la présentation de créations reste à chaque fois un temps fort : Le Jour de l’Ours de Simon Grangeat mis en scène par Muriel Sapinho (cie Les Petites Gens), PATER de Guillaume Buffard (compagnie 2.1), l’avant-première de Katherine Poneuve de Lara Marcou (Groupe O) sont particulièrement attendues.
Mais aussi la création de Pour un temps sois peu, le texte de Laurène Marx mis en scène par Lena Paugam (cie Alexandre), DUET de la compagnie TORO TORO ou la première française du Mystère du gant, jeune équipe belge porté par le Théâtre National Wallonie Bruxelles, seront, à n’en pas douter, des moments prometteurs et forts dans la vie de cette septième édition du Festival.
C’est cette intensité festive qui fait qu’à SUPERNOVA le théâtre vibre et se vit différemment. C’est perceptible dans les comportements des spectateur·rice·s autant que des artistes ou de l’équipe.
À l’heure des hausses des charges, des budgets de plus en plus serrés, comment envisage-t-on l’avenir ?
Sébastien Bournac : Effectivement si l’enthousiasme et les désirs restent forts, les moyens sont de plus en plus contraints. L’après-Covid est plein de désillusions amères… Bref. L’appellation de Scène Conventionnée nous permet de préserver pour le moment notre périmètre d’action en faveur de la jeune création, à travers des résidences, de la coproduction et de la diffusion. Mais il va falloir nous rassembler et travailler encore plus fortement qu’aujourd’hui, en coopération et partenariat, pour que les talents de demain puissent avoir accès aux scènes dans des conditions de production honnêtes et responsables.
Faire moins mais mieux. Ce qui est certain c’est que dans la fougue des jeunes équipes, il y a beaucoup d’espérance à aller puiser. Je suis très confiant et admiratif devant certains gestes artistiques de cette nouvelle génération. Certes le monde est en pleines mutations mais en parallèle quelque chose s’invente sur les plateaux. C’est passionnant à observer.
Que peut on vous souhaiter ?
Sébastien Bournac : Que cette aventure magnifique, ces accompagnements très stimulants et ce dialogue passionnant avec les artistes, se poursuivent encore un peu au Théâtre Sorano. Mon mandat dans ce théâtre va jusqu’en décembre 2024. Et j’espère ailleurs au-delà. Ici ou là. Car j’y trouve une énergie créatrice incroyablement vivifiante pour moi-même. Plus je vieillis, plus le dialogue avec cette jeunesse m’est essentiel.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Festival SUPERNOVA
Du 15 au 26 novembre 2022
Théâtre Sorano, Scène Conventionnée d’Intérêt National, mention Art et Création
31 allée Jules Guesde
31000 Toulouse
Crédit portrait © François Passerini
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez, © DR, © Marion Bornaz et © Pierre Bellec