Les enfants Terribles - Cocteau - Philip Glass - Mise en scène de Phia Ménard - © Christophe Raynaud de Lage

Phia Ménard met Cocteau en EHPAD

À l’opéra de Rennes, en marge du festival du TNB, Phia Ménard porte au plateau la partition de Philip Glass et donne un coup de fouet aux Enfants terribles de Jean Cocteau.

Les enfants Terribles - Cocteau - Philip Glass - Mise en scène de Phia Ménard - © Christophe Raynaud de Lage

À l’opéra de Rennes, en marge du festival du TNB, la metteuse en scène porte au plateau, avec la collaboration d’Emmanuel Olivier, à la direction musicale, la partition de Philip Glass et donne un coup de fouet aux Enfants terribles de Jean Cocteau. Une réussite joyeuse !

Devant la magnifique rotonde imaginée par Charles Millardet au XIXe siècle, emblématique de l’Opéra de la capitale bretonne, les Rennais profitent des pales rayons solaires de l’automne. Quelques activistes battent le pavé. Devant l’entrée de la bâtisse néo-classique une queue se forme. En ce dimanche après-midi, la salle est comble. Il faut dire qu’il y a de quoi attiser les curiosités, l’inclassable Phia Ménard monte Les Enfants terribles, Opéra de chambre que Philip Glass a écrit en s’inspirant du roman de Jean Cocteau et du film de Jean-Pierre Melville

L’enfance à tout jamais 
Les enfants Terribles - Cocteau - Philip Glass - Mise en scène de Phia Ménard - © Christophe Raynaud de Lage

Une boule de neige percute la poitrine de Paul (Olivier Navaud). Il s’effondre. Blessé, devenu vulnérable, il est condamné à garder la chambre. Sa sœur Elisabeth (Mélanie Boisvert) et son ami d’enfance, Gérard (François Piolino), bientôt rejoint par la belle Agathe (Ingrid Perruche), portrait craché de Dargelos, le garçon dont il est secrètement amoureux, seront ses seuls compagnons. Ensemble, ils vont construire un univers où l’imaginaire est roi, le réel banni. Prisonniers de leurs propres fantasmes, ils vont faire de leurs vies, une pièce de théâtre, un lieu où se joue inlassablement la comédie de l’enfance. Loin des éternels adolescents de CocteauPhia Ménard entraîne tout ce petit monde vers d’autres horizons, ceux d’un EHPAD. Pris au piège de leurs jeu enfantins, de leurs amours singulières, presque incestueuses, les gamins d’antan ont bien vieilli mais non point grandi. Devenus de beaux nonagénaires se shootant aux cachetons, rêvant en virtuel à l’aide de lunettes à réalité augmentée, ils se chicanent toujours, s’abusent les uns les autres de leurs enfantillages, de leurs bouderies. Tourbillon incessant de sentiments contrastés, les Enfants terribles tournent en une valse mortifère, que rien ne semble pouvoir arrêter. 

Faire du neuf avec du vieux
Les enfants terribles de Philip Glass Mise en scène de Phia Ménard Direction musicale d’Emmanuel Olivier © Christophe Raynaud de Lage

Pour sa deuxième incursion en terre lyrique, la metteuse en scène n’a pas choisi la facilité. En effet, le défi était de taille, rendre intelligible une intrigue emberlificotée, rendre contemporaine une œuvre dont la langue très onirique a mal vieillie. Manches relevées, sourire et fantaisie juvénile en bandoulière, Phia Ménard a choisi la carte de l’amusement, du détournement de codes, du décalage permanent avec l’écriture surannée de Cocteau. Très vite, grâce à une scénographique ingénieuse faite de plateaux tournants, aux costumes tous droits sortis d’un conte de fée mi fantastique mi-punk, elle invite le spectateur dans une ronde folle où pianos – Nicolas RoyezFlore MerlinEmmanuel Olivier – et personnages apparaissent et disparaissent à vue. S’engageant sur de nouveaux chemins artistiques, elle fait merveille, voire un petit miracle. S’appuyant sur la musique de Glass, envoûtante, entêtante voire obsessionnelle, que dirige avec brio Emmanuel Olivier, elle donne à ces Enfants terribles des airs de récréation dont le maître de cérémonie n’est autre que le conteur Jonathan Drillet, double baroque et mordant de l’auteur. L’âge ne faisant rien à l’affaire, c’est « l’éclat » en maison de retraite. 

Certes, l’œuvre de Cocteau a terriblement vieilli, mais en artiste n’ayant pas froid aux yeux, Phia Ménard a su lui faire un sacré lifting, lui donner un nouveau souffle entre pétillance et noirceur. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial de Rennes 

Les enfants terribles – Opéra pour quatre voix et trois pianos de Philip Glass
Livret de Philip Glass et Susan Marshall d’après Jean Cocteau
création le 16 novembre 2022
Opéra de Rennes
Place de la Mairie
CS 63126
35031 Rennes Cedex
Durée 1h45

Tournée
l
es 26 et 27 novembre 2022 à l’Atelier Lyrique de Tourcoing
les 1er et 2 décembre 2022 au Bateau Feu, Dunkerque
le 7 décembre au Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne
les 10 et 11 janvier 2023 aux 2 Scènes, Besançon

du 17 au 20 janvier 2023 à La Comédie de Clermont-Ferrand
les 1er et 2 février 2023 à la MC2 : Maison de la Culture de Grenoble
les 10 et 11 février 2023 au Théâtre National Wallonie-Bruxelles
du 23 au 26 février 2023 à la MC93 : Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny

Mise en scène et scénographie de Phia Ménard assistée de Clarisse Delile
Direction musicale de Emmanuel Olivier 
Création lumières d’Éric Soyer
Costumes de Marie La Rocca
Dramaturgie de Jonathan Drillet
Avec Olivier Naveau, Mélanie Boisvert, Ingrid Perruche, François Piolino, Jonathan Drillet
aux pianos – Nicolas Royez, Flore Merlin, Emmanuel Olivier 
Création maquillage / coiffure – Cécile Kretschmar
Maquilleuse – Agnès Dupoirier 
Régie générale – Marie Bonnier
Régie son – Jonathan Lefèvre-Reich
Régie plateau – Mickaël Vigot
Régie lumières – Aliénor Lebert ou Brice Helbert
Décors et costumes fabriqués dans les ateliers de l’Opéra de Rennes

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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