Dans le cadre du festival SUPERNOVA organisé par le Théâtre Sorano, la comédienne et metteuse en scène, fondatrice de la compagnie Les palpitantes, présente, les 25 et 26 novembre, une maquette de sa prochaine création Où peut-être une nuit. Rencontre.
Comment est né le projet Où peut-être une nuit ?
Mélissa Zehner : Par un électro-choc. Trop de confessions. Trop d’amies qui commencent par « ne le dis à personne mais… » Je ne voulais plus garder tout ça en moi. Je voulais faire quelque chose. Grâce à la lecture d’ouvrages et de podcasts aussi, je me suis dit qu’il y avait ? quelque chose à faire théâtralement.
Le spectacle aborde l’inceste sans pathos, mais sans langue de bois, comment porte-t-on un tel sujet au plateau ?
Mélissa Zehner : J’écris du manque, à partir des restes, des débris tombés à terre. Il n’est pas aisé de démanteler la fabrique du silence dans laquelle nous baignons tous.tes. C’est par la force de l’imagination et de la fiction que nous affrontons ces questions sur le plateau. Nous souhaitons inviter les spectateurs à plonger dans un espace onirique où l’inconscient fait sa loi, où le temps n’existe pas…Un espace figé, poussiéreux, saturé. Nous tentons de naviguer à travers différentes formes théâtrales : scènes dialoguées, conférences théoriques, chants, écriture de plateau … Je souhaite rendre la violence palpable sans jamais pour autant me départir de la tendresse et de l’espoir de résilience.
En quoi c’est important d’en parler ?
Mélissa Zehner : Comme le dit si bien l’anthropologue Dorothée Dussy : « Le tabou de l’inceste n’est pas de le commettre mais de le dire. ». Si la société actuelle semble davantage prête à entendre et à écouter, je pense que l’art et notamment le théâtre contemporain peut être un vecteur de libération de la parole, et contribuer à briser la loi du silence.
Véritable travail documentaire au cours duquel vous avez compilé un certain nombre de témoignages. Comment avez-vous construit le spectacle ?
Mélissa Zehner : J’ai commencé par lire des ouvrages références sur le sujet, d’explorer les recherches encore trop peu nombreuses mais très justes et en évolution. L’écoute du podcast de Charlotte Pudlowski, Où peut-être une nuit a été une détonation intérieure. J’ai contacté l’association SOS Inceste à Grenoble où j’ai pu récolter la parole d’incesté.es, de psychologues et de bénévoles qui assurent des permanences téléphoniques. De ce dense terreau, j’ai commencé à écrire de la fiction pour le spectacle. Le reste vient sur le plateau par l’improvisation, les joies et les doutes que nous traversons. C’est une expérience particulière qui sincèrement nous transforme toutes un peu, à différents niveaux.
Le projet a-t-il évolué depuis votre présentation lors du Warm up cet été à Montpellier ?
Mélissa Zehner : Nous plongeons de plus en plus dans la fiction et nous affirmons le propos. Malgré encore des allers-retours, la frontière entre le réel et la fiction est de plus en plus poreuse. Aussi, l’énergie collective et les émotions des artistes servent la fiction et la dramaturgie s’affine. Chacune des cinq comédiennes apporte sa singularité et j’ose croire que la symbiose s’opère.
Que peut-on vous souhaiter ?
Mélissa Zehner : J’aimerais que la compagnie Les Palpitantes vive de nouvelles aventures. J’aimerais que nous continuions de nous interroger, d’expérimenter, d’imaginer ensemble. Cette force collective au service de nouveaux récits, tente de nouvelles choses.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Ou peut-être une nuit de Mélissa Zehner
Festival SUPERNOVA
Espace Roguet
9 Rue de Gascogne
31300 Toulouse
les 24 et 26 novembre 2022 à 18h30
Avec Maud Gripon, Sara Charrier, Pénélope Avril, Vinora Epp, Malou Rivoallan et Mélissa Zehner
Œil complice – Clara Bonnet (Collectif Marthe) et Maurin Olles (Cie la Crapule)
Son – Margaux Robin / Scénographie : Loana Meunier / Costumes : Mallaury Flamand / Création lumière : Lou Morel
Crédit photos © Romain Debouchaud