Passage River, dans le XIe arrondissement de Paris, la jeune autrice quitte l’ombre pour la lumière et passe de la lecture – inoubliable moment suspendu de la Mousson d’été 2021 – , à l’incarnation de sa propre histoire. Seule en scène, sous le regard complice et bienveillant de Fanny Sintès, Laurène Marx livre une partition tout en tension, humour mordant et colère retenue.
Silhouette frêle, fragile, yeux noirs dardés sur le public disant sa rage de vivre, l’artiste fait vibrer ses propres mots, ceux qu’elle libère de ses écrits, mais aussi ceux qui couvent sous la surface de ses pensées. Tel un arc prêt à décocher ses flèches, elle habite la scène, dit tout de ses angoisses, de ses interrogations, de ses envies. Femme, trans, elle a franchi toutes les étapes pour être enfin elle. Mais qui est-elle au fond ? Cette jeune femme en tenue de sport qui interpelle les spectateurs, sa propre conscience qui s’invective, cette autre qui a connu des galères, subi des humiliations, et qui semble enfin en être revenue. Un peu de tout cela, certainement. Vibrante, nerveuse, elle s’éloigne de ses maux d’avant, parle du présent, questionne féminité et féministe avec un franc-parler cru, direct, qu’il est bon d’entendre. Exposant ses tragédies intimes d’une plume acérée, saignante autant que poétique, elle fait de sa vie un stand-up triste, émouvant.
Ténébreuse, lucide, gracile, Laurène Marx renaît sur scène, telle un phénix non-binaire, un être unique d’un nouveau genre. Improvisant ce qu’elle n’arrive plus à dire, elle tombe parfois, trébuche, mais se relève toujours, entre dans la lumière plus vraie que jamais.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Pour un temps sois peu de Laurène Marx
Festival Off Avignon – 11-Avignon
11 bd Raspail 84000 Avignon.
Du 7 au 26 juillet 2023 à 21h25, relâche les 13, 20, 21 juillet.
Durée 2h.
Théâtre de Belleville
16, Passage Piver
75011 Paris
Jusqu’au mardi 29 novembre 2022
Le lundi, mardi & samedi à 21h15, le dimanche à 17h30
Mise en scène de Fanny Sintès
avec Laurène Marx
Création lumières de Solange Dinand
Crédit photos © Boris Didym