Avec le conte d’Andersen, La Reine des neiges, l’histoire oubliée, la Comédie-Française ouvre le bal des productions destinées à illuminer les fêtes de fin d’année. Ce spectacle, conçu brillamment par Johanna Boyé, enchante grands et petits, de 7 à 107 ans.
Créer un spectacle à la Comédie-Française étant la consécration absolue, on peut dire que cette année 2022 est un cru exceptionnel pour Johanna Boyé, qui appartient à la nouvelle garde des metteurs en scène. L’artiste est, actuellement, à l’affiche du théâtre Rive Gauche, avec Les filles aux mains jaunes de Michel Bellier, L’invention de nos vies, pièce adapté du roman de Karine Tuil, et elle le sera également, à partir du 7 décembre, au Théâtre du Rond-Point avec Je ne cours pas, je vole d’Élodie Menant. En lui demandant de monter le spectacle pour les fêtes de fin d’année, l’administrateur du Français, Éric Ruf, ne s’est pas trompé.
Récit initiatique
Cette Reine des neiges, l’histoire oubliée, n’est pas inspirée du dessin animé de Disney, mais bien du conte originel d’Andersen. Johanna Boyé et Élisabeth Ventura en signent une adaptation formidable. Elles s’accordent avec le principe de Bruno Bettelheim qui dans La psychanalyse des contes de Fées, rappelle que ces récits initiatiques ont pour but d’aider l’enfant à parvenir à une conscience plus mûre, à mettre de l’ordre dans les pressions chaotiques de son inconscient. Et comme un adulte demeure un grand enfant blessé, cela vaut encore pour lui. Ici, il est question d’amitié indéfectible, du passage de l’enfance à l’adolescence, de la sauvegarde de la nature, de transmission, de la prise de conscience du monde qui nous entoure et de notre propre personnalité. Cette version expose aussi très clairement que les petites filles peuvent faire comme les petits garçons, qu’elles en ont le courage et la force.
Il était une fois
Le charme d’une histoire commence toujours par ce fameux, Il était une fois. Mot magique qu’un adulte dit aux enfants pour capter leur attention. Par sa voix, les inflexions qu’il prend, le narrateur fait naître des images. Ici, c’est une délicieuse grand-mère, qui nous fait entrer dans l’univers enchanteur du conte.
À son écoute, ses petits-enfants, Liv et Loki, quittent le monde du réel pour pénétrer dans la féerie. Ils se transforment en Gerda et Kay, ces deux gamins qui s’étaient jurés fidélité et que les aléas de la vie ont séparé. Kay, après avoir subi un sort, jeté par le roi des Troll, a été enlevé par la Reine des neiges. Gerda part alors à la recherche de son ami. Dans sa quête, elle croise de nombreux personnages, comme des trolls, une magicienne, une brigande, un prince et une princesse à lunette, une corneille et un renne… Grâce à eux, elle va trouver son chemin et grandir. Et lorsque la grand-mère s’apprête à refermer le livre, on comprend qu’elle racontait sa propre histoire.
Une pléiade de personnages
La troupe est à l’unisson pour donner vie à tous ces êtres merveilleux. Passant d’un personnage à l’autre, Jérôme Pouly, Suliane Brahim (en alternance avec Elisa Erka), Adrien Simion, Léa Lopez, Julie Cavanna (invitée par le Français pour cette production) réalisent une véritable prouesse qui contribue à l’enchantement de ce spectacle. Danièle Lebrun est une grand-mère des plus émouvantes, une vieille brigande terrifiante, une Madame Clément railleuse. Elle est impayable en petit troll des champignons. Quelle actrice !
Un livre animé
Conçu comme un beau livre d’images, on reste suspendu à toutes les propositions scéniques, de Johanna Boyé qui s’appuie sur une scénographique magnifique. Laissant une grande part au fantastique, les saisons s’enchaînent, les personnages surgissent et disparaissent au fil du récit. Elle utilise à merveille effets magiques et visuels, les codes du musical.
On voit la neige, les aurores boréales, l’étendue de ces immenses forêts nordiques, des jardins fleuris. Avec leurs cheveux hirsutes et colorés, les trolls ressemblent étrangement à ces petites figurines vendues dans les magasins de jouet. Les costumes, surtout celui de la Reine, sont de toute beauté. Tout est réglé au cordeau et jamais l’ennuie nous saisit. Ce ne sont pas mes petites voisines, Cassandre et Blanche qui vont me contredire, tant elles ont été captivées. Et qu’il est beau d’entendre dans la salle les rires des enfants exploser comme des feux d’artifice. La magie opère et ça, c’est cadeau !
Marie-Céline Nivière
La Reine des neiges, l’histoire oubliée d’après Hans Christian Andersen.
Comédie-Française – Théâtre du Vieux Colombier
21, rue du Vieux Colombier
75006 Paris.
Reprise du 23 novembre 2023 au 8 janvier 2024.
Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, matinée dimanche à 15h.
Durée 1h40
À partir de 7 ans.
Adaptation de Johanna Boyé et Élisabeth Ventura.
Mise en scène de Johanna Boyé.
Avec Jérôme Pouly, Suliane Brahim (en alternance), Danièle Lebrun, Adrien Simion, Elisa Erka (en alternance), Léa Lopez et Julie Cavanna.
Scénographie de Caroline Mexme.
Costumes de Marion Rebmann.
Lumières de Cyril Manetta.
Musique originale et son de Mehdi Bourayou.
Travail chorégraphique de Johan Nus.
Magie de Vincent Wüthrich.
Maquillages et coiffures de Julie Poulain.
Assistanat à la mise en scène par Stéphanie Froeliger.
Assistanat aux costumes par Clément Desoutter de l’académie de la Comédie-Française.
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage, collection Comédie-Française.