Au CDN de Tours – Théâtre Olympia, les trois artistes associés — Camille Dagen, Eddy D’aranjo et Emma Depoid — mettent en commun leur savoir-faire pour offrir à la troupe permanente du lieu, composée de cinq jeunes comédiennes et comédiens issus de grandes écoles de théâtre, un objet théâtral ovniesque, kaléidoscopique et réflectif. Questionnant la manière dont nos souvenirs d’enfants et d’adultes, traversent nos existences, en modulent le cours, nourrissent notre apprentissage du monde qui nous entoure, le trio s’attache à porter à la scène des tranches des vies, des instants suspendus que le chagrin, la douleur ont brisés, tissant une œuvre fragmentée et fragmentaire sur la dureté du quotidien, le temps qui passe et le rapport aux autres.
S’appuyant sur un travail de laboratoire au cours duquel les membres de la troupe permanente du théâtre Olympia — Alexandra Blajovici, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain Gy , Nans Mérieux — ont tissé des liens avec cinq enfants de sept ans et cinq personnes âgées de la région de Tours, La Vie dure trace des trajectoires, des destinées qui se percutent et se répondent. Construit comme un diptyque, dont l’un est porté par Eddy D’aranjo, l’autre par Camille Dagen, cette œuvre destinée aux adolescents ouvre plusieurs pistes de réflexion sur la nature humaine, ses états d’âmes, son mal-être, elle se diffracte quitte à se perdre dans un maelström d’idées qui invoque tour à tour les pensées de Simone de Beauvoir, quelques bribes mémorielles de Sophie Calle et des récits d’enfants de l’exil, de la guerre.
Enfermant public et interprètes dans un dispositif octogonal entouré de rideaux, sorte de cocon ouaté, d’espace mental autant que lieu de vie réinventé, le trio d’artistes multiplie les entrées, les histoires, mais faute d’une dramaturgie tenue, l’ensemble manque de cohérence, en dépit de belles fulgurances. En effet, comment ne pas être attrapé, emporté par l’enfance d’Ibrahim, la danse d’Andrée, la présence de ces cinq comédiens et comédiennes dont on perçoit le trouble dans un mot, un mouvement ?
Confrontant leurs univers très différent, les deux metteurs en scène ont du mal à accorder leur violon et usent d’artifices — une scénographie commune, notamment — pour entremêler leur travail. Au-delà de la provoc’ gratuite, c’est dans d’étonnants interstices, des instants suspendus que l’émotion jaillit, libre, sans concessions ni fioritures. Toute la beauté de ce geste artistique initié par Jacques Vincey, directeur du CDN, réside dans la manière, parfois maladroite et souvent ingénieuse, d’explorer l’art dramatique, de tenter d’en réinventer forme et contours !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Tours
La vie dure (105 MINUTES) de Camille Dagen, Eddy D’aranjo & Emma Depoid
CDN de Tours – Théâtre Olympia
7 Rue de Lucé
37000 Tours
Jusqu’au 10 novembre 2022 puis 28 novembre au 2 décembre 2022
durée 105 minutes
conception de Camille Dagen Eddy D’aranjo Emma Depoid
mise en scène de Camille Dagen et Eddy D’aranjo
en deux parties alternativement dirigées par chacun·e en collaboration dramaturgique avec l’autre dans une scénographie d’Emma Depoid
création son et régie vidéo Maël Fusillier
création lumière et régie plateau Léa Dhieux
création costumes Emma Depoid
avec les comédien·ne·s de l’ensemble artistique du T° – Alexandra Blajovici, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain G, Nans Mérieux
et la collaboration de cinq enfants de 7 ans et cinq personnes âgées de la région de Tours Eden Dumesmil, Sacha Enain, Agathe Lacroix, Balthazar Jarrigeon-Lucet, Zinga Zarra-Essafi, Ludmila Koulinitch, Anne Chaillot, Ibrahim Abdelhak, Andrée Colmant, Jean-Claude Ripault
crédit photos © Patrick Wong
