Sur un écran noir de fortune, les chiffres s’égrènent de 1 à 7. Puis les premières images d’un film en noir et blanc défilent. On y aperçoit un petit garçon, qui, à l’âge de 7 ans, comme nous le révèle une voix off, commence à saigner abondamment du nez. Aucune explication à ce stigmate, aucun remède, sauf une sorte de potion magique à renifler.
Une vie après l’autre
C’est le premier symptôme d’une étonnante et surréaliste maladie. Épuisé d’avoir trop vécu, exsangue, semblant porter le poids du monde sur ses épaules, notre narrateur (détonant Pierre-François Garel) accepte de se libérer du poids qui le ronge, de libérer sa conscience en confiant dans une sorte de journal intime son singulier secret, jamais ne meurt toujours ressuscite. Chaque vie, en tout cas les premières années, se ressemble. Les mêmes événements se répètent inlassablement, sa naissance dans un chalet isolé, loin de tout, son enfance un peu terne, sa rencontre avec Fran, son confident, avec Hardy (épatante Mélodie Richard à l’écran), la femme de sa vie. Mais connaissant l’avenir, il peut tout anticiper, modifier le destin, en changer le cours et ainsi tenter de nouvelles expériences. Se réinventer d’une vie à l’autre, être tour à tour scientifique de génie, chef de guerre, âme noire, gourou ou tout simplement faire partie du commun des mortels, après six vies bien remplies est-ce un don ou une malédiction ?
Entre bien et mal
S’interrogeant sur la nature humaine, son aptitude à être bonne comme diabolique, Tristan Garcia plonge dans les méandres philosophiques qu’offre la pré-science. Puisque tout est possible, pourquoi ne pas tout tenter. Aux risques et périls des autres, notre protagoniste va se laisser aller à ses plus vils instincts comme à ses plus nobles. L’objectif, trouver la meilleure des existences. Mais peut-on se contenter d’un mieux dont on sait qu’il pourrait être encore perfectible la vie d’après ? Sur fond de crise climatique, de montée du fascisme, d’eugénisme, l’écrivain questionne l’insatisfaction de l’homme, la fatalité, la force de l’individu face à la masse, l’incapacité de chacun à parvenir à un idéal, à se mobiliser pour changer le monde.
Un solo virtuose
S’emparant avec beaucoup de finesse et d’ingéniosité de ce conte métaphysique, Marie-Christine Soma offre à Pierre-François Garel, une partition de toute beauté. Intense, lumineux, ténébreux, il incarne toutes les personnalités du même personnage. Dans l’écrin imaginé par Mathieu Lorry-Dupuy, où se conjuguent scène et vidéo, le comédien brûle les planches et invite à un vertige textuel autant que scénique. Prodigieux !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La septième de Marie-Christine Soma
d’après 7 de Tristan Garcia © Éditions Gallimard
Création à la MC93
Durée 2H20
Reprise
du 23 au 28 avril 2024 au T2G
Tournée
les 19 et 20 octobre 2022 à la Maison de la Culture d’Amiens
les 8 et 9 novembre 2022 à La Comédie de Valence
du 15 au 23 novembre 2022 au TNS, Strasbourg
du 30 novembre au 2 décembre 2022 Théâtre 71, scène nationale Malakoff dans le cadre du festival OVNI
du 10 au 14 janvier 2023 au Théâtre national de Bretagne, Rennes
Adaptation, mise en scène et lumière de Marie-Christine Soma
Avec Pierre-François Garel
À l’image Vladislav Galard, Pierre-François Garel, Gaël Raës, Mélodie Richard
Scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy
Costumes de Sabine Siegwalt
Musique et son de Sylvain Jacques
Vidéo de Pierre Martin Oriol
Images du film – Marie Demaison et Alexis Kavyrchine
Prise de son du film – Térence Meunier
Eclairage du film – Mickaël Bonnet
Assistante à la mise en scène – Sophie Lacombe
Assistante à la lumière – Pauline Guyonnet
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage