Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… Bruno Geslin - Pierre Maillet - © Jean-Louis Fernandez

Talons aiguilles et bas de soie font le show au TNB

Au TNB, Bruno Geslin et Pierre Maillet reprennent vingt ans après la création, Mes jambes si vous saviez, quelle fumée..., et signent un portrait irrévérencieux de l'artiste bordelais Pierre Molinier.

Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… Bruno Geslin - Pierre Maillet - © Jean-Louis Fernandez

À Rennes, Bruno Geslin et son comparse Pierre Maillet, formé à l’école du TNB, reprennent, vingt ans après la création, Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… À travers ce portrait irrévérencieux en mode cabaret du peintre et photographe Pierre Molinier, les deux artistes débrident nos imaginaires et invitent à une balade en terre transgressive et sulfureuse. 

La salle Serreau est nimbée d’une lumière rouge, rappelant autant une chambre noire de photographe, qu’une alcôve de maison close, un cabinet de curiosités version lupanar. S’affranchissant des règles du théâtre classique, hybridant les formes artistiques, Bruno Geslin aux manettes et Pierre Maillet en maître de cérémonie convient à une rencontre improbable, follement queer et totalement endiablée, avec le bordelais Pierre Molinier. 

Dans l’antre d’un fétichiste
Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… Bruno Geslin - Pierre Maillet - © Jean-Louis Fernandez

Déjà petit, haut comme trois pommes, l’artiste, né en 1900 à Agen, se prend d’une passion fulgurante pour les bas, les jambes, les siennes tout d’abord, puis celles de sa sœur, ainsi que toutes celles gainées de noir. Homme ou femme, cela n’a pas d’importance, c’est ce bout de nylon qui l’affole. Rien ne peut arrêter son désir de se frotter tout contre, de caresser la douce matière, même pas la mort. Trouvant dans le sexe, le fétichisme, un érotisme libre et exalté, une matière inépuisable d’inspiration, il se libère de tout conformisme et crée une œuvre plastique singulière, surréaliste, où il met son corps travesti en scène. Toujours vert, même à plus de 80 ans, bandant pour la moindre bagatelle, l’homme repousse toujours plus loin les limites de sa propre jouissance. Sexuel, irrespectueux, irrévérencieux, un brin pervers diront les plus prudes, il laisse derrière lui une œuvre énigmatique et sulfureuse, qui continue à nourrir divers courants artistiques, tel le body art. 

Cabaret des passions particulières

S’emparant des entretiens réalisés par l’artiste Pierre Chauveau en 1972, Bruno Geslin et Pierre Maillet esquissent le récit d’une vie. Pas n’importe laquelle, celle d’un esprit libre, d’un poète, d’un insoumis. Amoureux des masques, s’émancipant des normes et du genre, pour lui la frontière entre féminin et masculin est perméable, floue, Pierre Molinier est inclassable. Pour lui rendre hommage, le sortir de l’ombre, le mettre en pleine lumière, il fallait un spectacle hors-norme, subversif, navigant entre le cabaret impudique, le show érotique et une cérémonie licencieuse, païenne. Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… est un peu de tout cela, et tellement plus. Du soufre à l’état pur ! 

Un trio de choc, de charme

Lumière tamisée, ambiance de boudoir, tout est fait pour que le spectateur sombre dans la luxure. Chaloupant sur leurs hauts talons, corsetés dans de noirs et ajustés bustier, Pierre Maillet, inénarrable, Jean-François Auguste, épatant de sensualité, et Élise Vigier, réminiscence de la part féminine de l’artiste, habitent la scène d’une aura charnelle et impertinente qui surfe sur une veine éminemment pornographique, sans jamais céder à la vulgarité, à la trivialité. Reprenant leurs rôles d’il y a vingt ans, les corps certes vieillis, mais riches de mille expériences, ils s’amusent, se confrontent à leur image d’antan, avec humour, sens de la dérision et une fougueuse liberté. 

Spectacle fondateur pour Pierre Maillet et le théâtre des lucioles, Mes jambes si vous saviez, quelle fumée… n’a pas pris de rides, ou si peu. Mené de mains de maître par Bruno Geslin, cet ovni théâtral et performatif joue de nos propres fantasmes, s’amuse à titiller nos bien-pensances, à mettre la sacro-sainte morale de nos sociétés modernes, cul par-dessus tête. Et ça fait un bien fou !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore -envoyé spécial à Rennes 

Mes jambes si vous saviez, quelle fumée…, spectacle inspiré de l’œuvre photographique et de la vie de Pierre Molinier d’après les entretiens de Pierre Chaveau réalisés en 1972 avec Pierre Molinier 
Salle Serreau
TNB
1 rue Saint-Hélier, CS 54007
35040 Rennes Cedex
Jusqu’au 1er octobre 2022
Durée 1h30 environ

Tournée
du 03 au 16 février 2022 au Théâtre de la Bastille, Paris 
les 30 et 31 mars 2023 à L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle 
du 04 au 06 avril 2023 au Théâtre Sorano, scène conventionnée, Toulouse
les 11 au 12 avril 2023 à L’Archipel, scène nationale de Perpignan 
les 18 et 21 avril 2023 au Théâtre des 13 vents – Centre Dramatique National Montpellier
18 04 – 21 04 2023 

Mise en scène de Bruno Geslin
Son de Pablo da Silva
Lumières de Jean-François Desboeufs
Plateau d’yann Ledebt
Vidéo de Jéronimo Roé 
Costumes d’Hanna Sjödin
Avec Jean-François Auguste, Pierre Maillet & Élise Vigier

Crédit photos © Jean-Louis Fernandez

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