Amsterdam - Laurent Brethome © photo de répétition Solange Abaziou
Amsterdam © Solange Abaziou

Amsterdam, le passé hante les murs

Aux Gémeaux, Laurent Brethome présente Amsterdam de Maya Arad Yasur, un spectacle fascinant, par sa structure et son sujet.

Amsterdam © photo de répétition Solange Abaziou

Présenté au Quai – Centre dramatique national d’Angers, dans le cadre du Go Festival, Amsterdam, de l’Israélienne Maya Arad Yasur, mis en scène par Laurent Brethome. Un spectacle fascinant par sa structure et son sujet, dont on ressort bouleversé. La pièce s’installe aux Gémeaux du 1er au 10 décembre 2023.

En février 2022, nous avions été invités, à la Scène Nationale de la Roche-sur-Yon, à découvrir une étape de création du nouveau spectacle de Laurent Brethome. Après deux sessions de résidence au Quai d’Angers et au théâtre de Saint-Nazaire, le projet était bien avancé. Dans cette troisième étape, les comédiens venaient de prendre leur marque dans ce décor impressionnant de Rudy Sabounghi, représentant un appartement d’Amsterdam, avec ses fenêtres donnant sur la ville. D’office, par quelques éléments désuets, une atmosphère, plane l’ombre d’Anne Frank et des siens. Un des sujets abordés par l’autrice étant la confrontation du passé avec le présent, ce choix scénique n’est pas anodin. C’est voulu, et cela fonctionne.

Mais où est Dieu à Amsterdam ?

Une jeune femme enceinte de neuf mois vient de s’installer dans la capitale néerlandaise. Cette violoniste israélienne a la surprise de découvrir une facture de gaz de 17 000 €. Ce montant exorbitant correspond à une utilisation de gaz en période de guerre ! Pourquoi n’arrive-t-elle que maintenant ? Pourquoi est-ce à elle, enfant d’Israël, de payer une dette qui ne devrait pas la concerner ? Le symbole est fort. Au long de la pièce, nous allons découvrir les événements qui ont eu lieu autour de cet appartement. Tout à coup, passé et présent se croisent, se mélangent pour questionner notre relation à l’histoire, notre place dans la société, notre positionnement face à toute forme de racisme et d’antisémitisme.

Qui sont ces trois personnages qui errent dans ce vaste appartement, parlant de cette nouvelle locataire ? Sans jamais la nommer, l’appelant Elle, ils la racontent. Ils mènent une enquête, avec toutes les questions nécessaires pour comprendre les faits. Pourquoi a-t-elle reçu cette facture ? Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi une étrangère doit-elle régler cette note trop lourde ? Petit à petit, l’histoire qui hante ces murs prend forme et se dévoile. Puis Elle entre en jeu et, sans les voir ni les entendre, va également essayer de résoudre l’énigme. Que s’est-il passé ici sous l’occupation ? Et qui est cet étrange voisin du dessus ?

A Yddishe Mame…

La grande spécificité de ce texte est qu’il ne comporte pas de personnages distincts. Laurent Brethome présente son œuvre comme étant « un théâtre de voix non identifiées et non distribuées qui se complètent, se contredisent, rapportent des propos entendus ou inventés, proposent des points de vue divers sur des situations ». Une sorte de partition musicale que chacun peut interpréter à sa manière. Dans cette production, le metteur en scène et sa collaboratrice artistique, Clémence Labatut, ont laissé les comédiens choisir les passages et les répliques qu’ils souhaitaient s’approprier. Ce qui a demandé un long travail et une implication totale. Le résultat est remarquable. Il y a dans l’interprétation quelque chose d’intense, d’organique presque. Dessinant leur personnage d’un trait solide, Hadar Gabay, Anne Cressent, Fabien Albanese, Denis Lejeune et même le mutique Francis Lebrun nous emportent dans ce tourbillon de mots et d’émotions.

Sur un ton très vif, Laurent Brethome signe une mise en scène où un naturalisme presque cinématographique croise le surréalisme. Son travail est brillant. On ne peut que le remercier d’avoir déniché ce superbe texte et de nous l’offrir en cadeau. Parce que plus que jamais, ce passé terrible est train de revenir nous hanter. La jeunesse était debout, acclamant à tout rompre, les larmes aux yeux pour certains. Et pour la première fois de son existence, la libraire du théâtre a vendu, dès la première représentation, tout son stock du texte. Encore à l’affiche pour deux soirs dans le CDN d’Angers de Thomas Jolly avant de partir en tournée, ce spectacle coup de poing atterrira sur les planches du Théâtre des Gémeaux la saison prochaine. Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Marie-Céline Nivière – envoyée spéciale à Angers

Amsterdam de Maya Arad Yasur
Texte publié avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, centre international de la traduction théâtrale.
Théâtre des Gémeaux
49 avenue. Georges Clemenceau
92330 Sceaux.
Du 1er au 10 décembre 2023.
Les vendredis et samedis à 20h30, dimanche 17h.
Durée 1h30.


Le Quai – Centre Dramatique National d’Angers Pays de Loire.
Cale de la Savatte
49100 Angers.
Mardi 4 à 21h, Jeudi 5 et vendredi 6 octobre 2022 à 19h.

Tournée
Les 11 et 12 octobre 2022 au Grand R Scène nationale de La Roche-sur-Yon (85).
Le 18 octobre 2022 aux Quinconces Scène Nationale du Mans (72).
Le 08 décembre 2022 au Théâtre National de Saint-Nazaire (44).
Saison 2023-2024 au Théâtre des Gémeaux de Sceaux (92).

Mise en scène de Laurent Brethome
Texte français de Laurence Sendrowicz (texte publié aux éditions Théâtrales, éditeur et agent de l’autrice).
Avec Anne Cressent,Hadar Gabay,Denis Lejeune,Fabien Albanese, Francis Lebrun.
Dramaturgie de Catherine Ailloud-Nicolas.
Collaboratrice artistique Clémence Labatut.
Scénographie de Rudy Sabounghi.
Vidéo d’Adrien Selbert.
Costumes de Nathalie Nomary.
Lumières de David Debrinay.
Musique de Jean-Baptiste Cognet.
Chorégraphie de Yan Raballand.

Crédit photo © photo de répétition Solange Abaziou

1 Comment

  1. Merci pour cette magistrale pièce de théâtre. J’ai hâte de la revoir et elle mérite bien une tournée en France. Vous pouvez être fier à vous tous pour nous avoir offert un cadeau. Merci.

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