Après s’être interrogé sur l’Europe, Roland Auzet s’attaque, dans Adieu la mélancolie, à la Chine, se questionnant sur cette réalité, comment le communiste pur et dur a su ingérer, à sa sauce, le capitalisme. Attention, spectacle dense et foisonnant !
En s’appuyant sur le poème documentaire de Luo Ying, ancien garde rouge repenti, Le gène du garde rouge – Souvenirs de la Révolution culturelle, Roland Auzet nous entraîne dans une fresque, où le passé sert à regarder l’avenir. Il y mélange les genres : théâtre dans le théâtre, théâtre documentaire avec vidéos filmées en direct, enquêtes, récits, opéra rock.
Le petit livre rouge
Un metteur en scène (Thibault Vinçon), fils de parents Maoïstes, tente de monter un spectacle pour faire comprendre la Révolution culturelle chinoise et ses conséquences, dans la Chine d’aujourd’hui et dans la perception des Occidentaux. Cette période noire de l’histoire de l’Empire du milieu va de 1966 à la mort du grand timonier Mao en 1976. Et comme le souligne le poète : sous le prétexte d’aller de l’avant, nous feignons d’avoir oublié. C’est ce trou de mémoire collectif qui intéresse le metteur en scène.
Vidéos et Dazibao font bon ménage
Auzet aime sortir des sentiers dramatiques conventionnels, comme il l’a souvent montré dans ces précédents spectacles, La voix humaine de Cocteau et Dans la solitude des champs de coton de Koltès. La scénographie de Cédric Delorme-Bouchard est impressionnante. Si l’on est parfois dérouté par ce débordement d’images et d’idées, on ne peut rester de marbre face à ce qui nous est dit et montré au plateau. Mais, comme il le fait dire au personnage du metteur en scène : la vie n’étant pas parfaite, pourquoi un spectacle devrait l’être ?
Un collectif plein de fougue
Pour ne pas laisser la parole uniquement à l’Occident et à sa vision, Auzet s’est entouré de comédiens et comédiennes chinois et taïwanais. Jin Xuan Mao, Chun-Ting Lin, Angie Wang, Haoyang Wu, Yves Yan (le poète), Yilin Yang et Lucie Zhang, parfaitement bilingues, sont formidables. Au point que l’on ne sait plus s’ils incarnent des personnages où s’ils parlent d’eux. Ce qui est certain, c’est que leurs propos captivent. On découvre et apprend beaucoup. Yann Colette, Hayet Darwich (superbe de colère rentrée) et Thibault Vinçon sont parfaits dans leur rôle. La partie musicale est assurée par Kim-Thuy Nguyen Clair (quelle voix !) et Aurélien Clair, du groupe de rock alternative, iNA-iCh. Ce mélange des cultures fonctionne très bien. S’inscrivant dans cette idée que c’est ensemble que l’on pourrait dire Adieu la mélancolie, celle du passé pour inventer le monde de demain, celui que l’on espère toujours meilleur !
Marie-Céline Nivière
Adieu à la mélancolie, librement adapté de Luo Ying.
Théâtre des Quartier d’Ivry
Manufacture des Œillets – 1 place Pierre Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
Du 30 septembre au 8 octobre 2022
Du mercredi au vendredi à 20h, samedi à 18h, Dimanche 16h.
Durée 2h.
Tournée
Du 19 au 21 oct. 2022 : Théâtre de La Croix-Rousse, Lyon (69).
Les 8 et 9 nov. 2022 : MC2 Grenoble, Scène nationale (38).
Du 16 au 19 nov. 2022 : Théâtre Olympia, CDN de Tours (37).
Du 24 au 26 nov. 2022 : Théâtre de la Criée, CDN de Marseille (13).
Les 30 nov. et 1er déc. 2022 : Le Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon (85).
Les 7 et 8 déc. : Châteauvallon-Liberté, scène nationale de Toulon (83).
Conception et mise en scène de Roland Auzet.
Adaptation de Pascale Ferran.
Avec Yann Collette, Hayet Darwich, Jin Xuan Mao, Chun-Ting Lin, Thibault Vinçon, Angie Wang, Haoyang Wu, Yves Yan, Yilin Yang, Lucie Zhang, iNA-iCH (Kim-Thuy Nguyen Clair et Aurélien Clair), avec la participation artistique du Jeune théâtre national, et, dans le cadre des missions de transmission de la compagnie, d’un groupe amateur.
Collaboration artistique de Robert Lacombe.
Musique de Roland Auzet, Victor Pavel, iNA-iCH (Kim-Thuy Nguyen Clair et Aurélien Clair).
Scénographie de Cédric Delorme-Bouchard.
Lumière de Bernard Revel.
Son de Julien Pittet.
Vidéo de Nicolas Comte.
Costumes de Bénédicte Étienne.
Assistanat à la mise en scène Julien Avril.
Régie générale Séverine Combes, Patrick Le Joncourt.
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage.