À la Pépinière théâtre, Ludivine de Chastenet porte au plateau de manière très enlevée, Le Comble de la vanité, une comédie noire signée Valérie Fayolle, et offre à celle qui fut longtemps une Reine des Boulevards, un rôle à mourir de rire.
C’est l’été. Il fait une chaleur de tous les diables. Tout le monde est en vacances, même les curés. Après une belle carrière politique de député d’un tout petit bled de province, Louis est mort, laissant derrière lui, une femme, un brin foldingue, trois enfants particulièrement disparates – un ambitieux, un looser, une vieille fille – , une belle-fille maniaque de la propreté et quelques secrets. Tous les ressorts de la comédie grinçante et familiale sont posés en quelques minutes. Facile, direz-vous ? Il ne reste plus qu’à dérouler le fil. On imagine déjà la chute. C’est mal connaître le talent de conteuse de Valérie Fayolle et l’art de mettre en scène, de jouer avec les rebondissements, de l’épatante Ludivine de Chastenet.
Un testament et ses mystères
Comme dans tout bon boulevard, il y a une femme bafouée, un mari volage, un amour de jeunesse contrarié et un bien sûr de faux-semblants, des non-dits et quelques cadavres dans le tiroir. C’est d’ailleurs dans celui de la table de la cuisine que l’un des fils découvre le testament de leur père. A priori, pas de surprise, en France, on ne peut déshériter ses enfants. Mais voilà, il y a un os. En quelques mots, un mythe s’écroule. Le père n’était pas aussi vertueux que ses discours. Commence alors une folle enquête, une plongée dans les zones d’ombre d’une famille un peu trop parfaite.
Une rythmique frénétique
Pour porter au plateau ce texte construit comme une partie de ping-pong verbale – parfois un peu facile – , lui donner toute la vitalité nécessaire pour que jamais le suspense ne retombe, il fallait toute l’inventivité de Ludivine de Chastenet. Celle qui sur les planches a quelque chose de Maria Pacôme, clairement un sens du boulevard, du rythme. Sa mise en scène toute en fluidité vient souligner la douce folie de la pièce, son côté aigre-doux. S’appuyant sur la scénographie chamarrée d’Emmanuel Charles, elle signe une farce noire, faussement macabre, qui ouvre la saison théâtre sous de drolatiques auspices.
Virginie Pradal, lumineusement espiégle
Si la mécanique, bien qu’en rodage, en ce soir de première, est bien huilée, c’est que la metteuse en scène a fait appel à des comédiens haut en couleurs. En sœur tempérée, vivant toujours, à plus de 30 ans, sous le toit parental, Cécile Rebboah est épatante. En belle-fille effacée et femme au foyer un peu trop sage, Julie Farenc est un volcan prêt à exploser. En musicien raté, David Talbot joue une jolie partition. En salaud patenté, en macho arriviste, Mikaël Chirinian joue en permanence sur le fil d’une vitalité toute en tension. Toujours au bord de la crise de nerfs, il fait mener un train d’enfer au reste de la troupe. Enfin, se faisant malicieusement attendre, l’ancienne pensionnaire du Français fait une entrée détonante. De blanc vêtue, Virginie Pradal retrouve avec un plaisir indicible et communicatif les planches. Généreuse, la dame qui en a sous le pied, irradie la scène et fait le show. Tout simplement divine, portée par la belle complicité de ses camarades, elle s’amuse comme une folle. La reine des boulevards, un temps oubliée, est de retour. Elle prend une belle revanche sur la vie. Ce n’est que du bonheur !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le comble de la vanité de Valérie Fayolle
La Pépinière théâtre
7, rue Louis le Grand
75002 Paris
Du mardi au samedi à 19h ou 21h (selon les jours) – Matinée dimanche à 15h
Durée 1h30 environ
Mise en scène de Ludivine de Chastenet assistée de Sabrina Paul
Avec Mikaël Chirinian, Julie Farenc, Virginie Pradal, Cécile Rebboah et David Talbot.
Scénographie d’Emmanuel Charles
Costumes d’Isabelle Mathieu
Lumière de François Leneveu
Musique de Pierre-Antoine Durand
Crédit photos © François Fonty