À Biarritz, le festival dirigé par Thierry Malandain joue des contrastes, évoque les guerres d’hier, d’aujourd’hui, convoque les traditions basques, fait danser la vie et s’unir hommes et femmes dans un étonnant et hypnotique duo. Un explosif et détonnant Cocktail.
Sur la côte basque, les soirs se suivent, ont des airs de parenté, mais sont en tout point divergents. Au pas de deux amoureux tragiques de Didon et Énée esquissé par Samir Calixto, Pierre Pontvianne répond par un duo sur le couple, l’usure du quotidien, la vie à deux, le rapport à l’autre. Aux cavaliers célestes de l’Apocalypse de Xenia Wiest venanttourmenter les migrants, les êtres oppressés, Martin Harriague et le Collectif Bilaka font de la danse, l’art ultime, dernier rempart contre la barbarie humaine, l’horreur de la guerre.
Séquences danse
À travers une série de saynètes, ponctuées de noir, de gongs, de bruits sourds, le chorégraphe, lauréat du Prix de Lausanne en 1999, invite le spectateur dans l’intimité d’un homme, d’une femme, dans l’essence même des relations humaines. Tous deux, liés, unis comme un seul être, un seul corps, dansent, tournoient, virevoltent, dessinent des motifs d’une infinie grâce. Toujours là, l’un pour l’autre, ils se tiennent la main, jamais ne se lâche, s’entraîne dans une ronde hypnotique, languissante, tendre comme une caresse. Porté par la musique alanguie, douce de Benjamin Gibert, Pierre Pontvianne écrit une partition à la fluidité incroyable, une pièce méditative, pensive, qui un temps éloigne du monde, de ses vicissitudes. L’accord parfait entre Marthe Krummencaher et Paul Girardfait le reste. Avec Motifs, le festivalier entame une balade toute en poésie et lyrisme. Un moment suspendu entre rêve et réalité.
Danse la guerre, danse
Le soleil couchant fait rougeoyer le ciel. Face au casino, la mer semble être le siège d’un terrible et imaginaire incendie, annonciateur du spectacle à venir. En invitant le chorégraphe Martin Harriague et le percussionniste Stéphane Garin à s’inspirer du drame de Guernica pour créer une pièce à la mesure de leur énergie, le collectif basque Bilaka questionne l’absurdité de la guerre, la résilience face à la barberie des hommes, la force de la danse, s’imposant comme rempart à la dictature, à la fatalité, à la mort. Tout commence par des mots, un mantra en basque, en français, qui éloigne le mauvais sort. Puis l’un après l’autre, les danseurs investissent la scène, s’en approprient les moindres recoins, entrent dans la folle farandole et caracolent le torse bombé. Les gestes sont rapides, les pieds frappent le sol, les bras dessinent d’invisibles volutes dans l’air. Entremêlant danse contemporaine et fandago, s’accordant aux sons des percussions, aux chants basques joués en direct, Martin Harriague dépasse la simple partition chorégraphique pour mettre en scène de vrais tableaux vivants. Bombes tombant du ciel, la célèbre œuvre de Picasso prenant vie sur scène, de cette matière hautement picturale, il esquisse une œuvre en clair-obscur, un pamphlet contre la guerre, une ode à la vie. On peut regretter certains partis-pris très politiques, très caricaturaux, qui alourdissent le propos, mais la vitalité et l’énergie de la troupe déchaînent les passions. C’est debout que la salle salue les artistes. Et c’est clairement mérité tant ils vont vibrer nos âmes patriotiques et pacificatrices !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Biarritz
Festival Le Temps d’aimer la danse 2022
Motifs de la Compagnie Parc
Théâtre du Colisée
11 Av. Sarasate
64200 Biarritz
Durée 50 min
Chorégraphe de Pierre Pontvianne
avec Marthe Krummencaher et Paul Girard
Musique de Benjamin Gibert
Gernika de Martin Harriague & Collectif Bilaka
Théâtre du Casino Municipal
1 Av. Edouard VII
64200 Biarritz
Durée 1H10 environ
Chorégraphie, mise en scène, dramaturgie, scénographie, lumières : Martin Harriague
Composition des musiques de Xabi Etcheverry avec Patxi Amulet et Stéphane Garin
Danse – Arthur Barat, Zibel Damestoy, Ioritz Galarraga, Oihan Indart, Aimar Odriozola
Accordéon, clavier, harmonium indien, chant - Patxi Amulet
Violon, alto, guitare, tambourin à cordes :- Xabi Etcheverry
Percussions - Stéphane Garin
Crédit photos © Olivier Houeix