Le chorégraphe norvégien ouvre la saison danse de l’Opéra de Paris avec un long pensum sur la vie, la mort, tout ça…
Le programme prévient que nous assisterons à « une mise en scène de la vie » et que la scène se transformera en un immense « diorama », dispositif pictural pour la photographie inventé par Louis Daguerre au 19ème siècle. Des cadres vides viendront saisir des scènes jouées par des interprètes. Enfin de l’inédit ! Si l’idée de Cri de cœur est d’interroger la relation de l’illusion et de la vie, du théâtre et du récit, de la réalité, de la fiction, le cadre du Palais Garnier semble idéal, si vieux et si jeune, si légendaire. L’autre axe annoncé par le chorégraphe norvégien, Alan Lucien Øyen, qui avait commencé à travailler avec le Ballet avant que le confinement ne les stoppe dans leur élan, est d’invoquer l’héritage de Pina Bausch. Et comme preuve ou caution Cri de cœur bénéficie de la présence d’Héléna Pikon, l’inoubliable interprète de l’œuvre de la chorégraphe allemande.
Un défilé d’images
Mais il ne suffit pas de demander aux danseurs de livrer des bribes de leur vie, de jouer avec le vrai et le faux, d’enrouler et de dérouler leur corps infiniment pour que l’émotion gagne le spectateur. Que voit-on ? un défilé de cadres, de décors, de machinistes (qui viennent saluer à la fin), de longs monologues, dialogues sur la vie, la mort, la maladie, qui suis-je, où vais-je ? La profondeur attendue cède la place à un enfilage de perles pas rares.
Un ballet en grande forme
Mais heureusement les danseurs sont là, formidables. Ils sauvent cet indigeste pudding par leur présence intense, leur technique sublimée. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils savent jouer. Ils y vont. Ils sont le cœur du corps de ballet : quadrilles, coryphées, sujets. Ils ont construit leur personnage à partir d’eux-mêmes. La danse se décline en mouvements puissants, grands enroulements, déliés des membres. Malheureusement souvent la même chose.
Des danseuses en état de grâce
La flamme vibrante de cette pièce limitée par les poncifs, c’est Marion Barbeau. Cette première danseuse dans la hiérarchie de l’Opéra, s’est révélée belle actrice dans le très réussi En corps film de Cédric Klapish, un succès public bénéficiant d’un bouche-à-oreille enthousiaste qui a permis au film de rester longtemps à l’affiche. Et bien sûr il y a Héléna Pikon, qui erre cherchant sa place, ici, là, dans tous les sens, jouant le rôle de « la » mère, rejetée, haïe, adorée, de deux enfants malades. A la fin du ballet, elle danse, et la magie, un bref instant, traverse le plateau.
En manque de souffle
Alan Lucien Oyen a voulu goûter à tous les gâteaux présentés dans la vitrine de l’Opéra de Paris : mais à quoi servent les vidéos, et tous ces décors kitchs et toute cette frénésie de paroles, de cris, de courses ? Au bout de deux heures cinquante, qui sait encore quelque chose ? Certainement ceux qui ont applaudi, enthousiastes. Les autres, ont quitté le Palais-Garnier. Fatigués. Très fatigués.
Brigitte Hernandez
Cri de cœur, ballet en deux actes d’Alan Lucien Øyen
Palais Garnier – Opéra national de Paris
Place de l’Opéra
75008 Paris
Jusqu’au 13 octobre 2022
Durée 2h50 avec entracte
chorégraphie d’Alan Lucien Øyen
chorégraphe associé – Daniel Proietto
design sonore – Gunnar Innvaer
décors d’Alexander Eales
costumes de Stine Sjøgren
lumières et vidéo de Martin Flack
dramaturgie d’Andrew Wale
artiste invitée – Helena Pikon
avec les premières danseuses, les premiers danseur et le corps de ballet de l’Opéra
avec le soutien exceptionnel d’Aline Foriel-Destezet
Crédit photos © Agathe Poupeney