Frédéric de Goldfiem © Sophie Boulet

Frédéric de Golfiem, tragédien du sensible

À la Scala Paris,Frédéric de Golfiem reprend son rôle de Titus au côté de Carole Bouquet dans le classique de Racine adapté au cordeau par Muriel Mayette-Holtz.

Frédéric de Goldfiem © Sophie Boulet

À la Scala Paris, le comédien, membre depuis 2020 de la troupe permanente du TNN, reprend son rôle de Titus au côté de Carole Bouquet dans le classique de Racine adapté au cordeau par Muriel Mayette-Holtz. Se glissant avec aisance dans les vers du dramaturge français, Frédéric de Golfiem campe avec une belle sensibilité un nouvel empereur romain confronté au poids du pouvoir, en proie au doute et à la neurasthénie. Rencontre.

 Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
J’ai dû voir enfant un spectacle de marionnettes, j’ai un vague souvenir de guignol dans un parc, un son et lumière quelque part en Bretagne, un carnaval en Guyane où mon père était en poste, qui m’avait effrayé. Un mélange de tambours et de corps enduits qui brillaient dans la nuit.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Le premier spectacle de théâtre qui m’a marqué durablement, je devais avoir douze ans, c’est les Shakespeare d’Ariane Mnouchkine. Le sang dans les bouches, les masques blafards et surtout cet acteur dont je n’ai plus le nom – mais qui se souvient du nom des comédiens – , et qui jouait Falstaff, un bouffon fabuleux ! Je l’avais aperçu en loges et son air épuisé et ses gestes lents pour refaire ou défaire son maquillage ont, par contraste avec l’énergie qu’il avait sur scène, inscrit un truc étrange dans ma mémoire.

Bérénice de Racine - Mise en scène de Muriel Mayette-Holtz © Sophie Boulet

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
Je n’ai pas le souvenir d’avoir voulu faire ce métier, je m’ennuyais en fac, j’écrivais des poèmes et je voulais voyager.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Un copain de terminale, puis un autre à la Sorbonne m’ont donné des petits rôles pour compléter leurs distributions. Barbons, geôliers et serviteurs. Corneille, Durrenmatt, Cami. C’est cette pièce, Drames de la vie courante qui a précipité quelque chose. Le metteur en scène s’était engueulé avec les piliers de sa troupe et j’ai repris la direction du travail avec un autre groupe. On était de merveilleux et pathétiques branleurs, on a fait le off avec nos sous sur une péniche de la FOL de Saint-Étienne. J’ai rencontré un anar-alcoolique (Alain Besset) qui jouait La Nuit avant les forêts de Koltès : une claque. Je m’étais trouvé, je voulais mettre en scène, apprendre à jouer. Ce n’était pas conscient, mais déjà de Falstaff à l’inconnu de la Nuit, une humanité brandissait ses moignons et je prenais le train, comme Cendrars.
Ce goût pour les gueules cassées de la littérature.

Quel est votre parcours ? 
J’ai fait Simon, puis une école nationale Saint-Étienne. Une révélation, Dasté et toute la mythologie du théâtre publique. J’y suis et je crois encore à l’utilité de ce machin, un centre dramatique national. Vous mettrez des majuscules si vous voulez. Le théâtre et ses tristes lieux sont une vieille chose où je me sens vivant. Pourquoi fallait-il que j’y entre? Je regrette parfois l’esprit de sérieux qui s’y colle, le compromis avec les princes et j’en appelle au bouffon. Je continue à bricoler des formes et à questionner, comme tant d’autres avant moi, ce qui est là depuis toujours, l’humain trop humain.

Bérénice de Racine - Mise en scène de Muriel Mayette-Holtz © Sophie Boulet

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je ne sais. je dirais plutôt que je veux l’aborder avec humour si possible. On n’est pas là pour écorcher des lapins, ni pour violenter des poulpes.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je ne rêve pas de jouer pour quelqu’un ou d’être au plateau avec tel autre, je crois à la puissance des fictions que l’on se dit et à la réalité qu’elles fondent. Je crois à la valeur du témoignage. Je crois à l’autre. Je crois à ce partage. Sensible.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Si ma vie était une œuvre, elle est en cours et à ce jour, à cette heure…

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Bérénice de Jean Racine
création en mai 2022 à La Cuisine – TNN
Reprise du  15 septembre au 12 octobre 2022 à La Scala-Paris.

Mise en scène de Muriel Mayette-Holtz assistée Laure Sauret
avec Augustin Bouchacourt, Carole Bouquet, Frédéric de Goldfiem, Jacky Ido, Ève Pereur
Décor & costumes de Rudy Sabounghi 
Lumière de François Thouret 
Musique de Cyril Giroux 
Assistant costumes – Quentin Gargano-Dumas

Crédit portrait & photos © Sophie Boulet

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