Ce mois de septembre 2022 a des couleurs d’automne. Le crabe a encore sévi, emportant avec lui deux belles personnes, la chargée de diffusion Fabienne Rieser et le comédien Florent Guyot. Le vent emporte notre chagrin, mais le soleil de leur existence continuera à réchauffer nos cœurs.
Chacun à leur manière ont servi le théâtre de tout leur amour et de toute leur passion. Tous les deux ont combattu avec dignité et une grande discrétion le cancer. L’annonce de leurs décès, les 10 et 19 septembre, a provoqué dans la profession un grand émoi et beaucoup de tristesse. Nous leur rendons hommage.
Fabienne Rieser, la lumineuse
Elle en a fait des métiers ! Tour à tour journaliste, rédactrice en chef, productrice dans l’audiovisuel, autrice, metteuse en scène et directrice de compagnie avant de mettre ces années d’expérience théâtrale et de communication au service du spectacle vivant. Pour elle, le théâtre était la vie !
Comment oublier cette longue silhouette, vêtue de couleurs vives, arpentant sur son vélo les rues d’Avignon d’un spectacle à l’autre ? Elle avait toujours le mot juste pour donner l’envie de découvrir les projets qu’elle défendait. Le sourire vissé naturellement aux lèvres, elle nous accueillait, nous boostait même, quand la fatigue s’installait. On se promettait toujours d’aller boire un petit verre de blanc frais, mais on ne trouvait jamais le temps.
Elle était encore à son poste cette année. Et pourtant, la maladie était là. Je n’ai rien vu, lorsqu’elle m’a accueilli au théâtre de L’oriflamme pour le très beau Naïs, de la compagnie Les fautes de frappe. J’aurai dû me douter que quelque chose n’était pas comme d’habitude. J’avais mis cela sur le compte de la chaleur, des difficultés que le théâtre connaît depuis la crise sanitaire. Elle ne m’a pas invitée à prendre ce fameux hypothétique verre. Quand elle m’a donné ma place, je lui ai dit à bientôt… Comment savoir que cela serait le 20 septembre au Père Lachaise, où, entourée de sa famille, nous lui avons dit adieu ? Ce jour-là, nos pensées sont aussi allées vers Florent, dont on venait d’apprendre le décès.
Florent Guyot, le flamboyant
On remarquait ce comédien, formé à l’école Claude Mathieu, d’abord par son physique et son sourire, presque aussi grand que son visage ! Puis on était saisi par sa puissance scénique. Jean-Philippe Daguerre, sur Facebook, a écrit ces mots si justes : « Ce n’était pas le comédien le plus célèbre sur la place de Paris mais sans doute un des plus talentueux et humbles que j’ai pu voir et admirer sur scène. Florent Guyot va manquer au Théâtre et à ceux qui ont eu la chance de le connaître ». Comme le rappelle Christian Mulot, Florent était « acteur, scénographe, musicien, dessinateur, décorateur, danseur, acrobate, sportif, père surtout, rien ne lui était impossible. Impossible n’est pas Guyot ». Pour Benjamin Egner, « il était un acteur rare, d’une grande intensité et d’une invention sans bornes ».
Florent ! J’en ai vu, des pièces avec toi ! Comment ne pas oublier ta prestation très acrobatique dans Le Cid de Corneille, mis en scène par Thomas Le Douarec. Un des premiers spectacles dans lequel j’ai pu t’admirer ! Tu as travaillé, entre autres, avec Anne Coutureau, Côme de Bellescize, Fabian Chappuis, Nedj Grujic, Élisabeth Chailloux, Sophie Lecarpentier, Philippe Awat…
À chaque fois, tu nous épatais. La dernière pièce dans laquelle je t’ai vu, c’était en 2015. Ce magnifique George Kaplan de Frédéric Sonntag, où tu interprétais plusieurs rôles avec ce talent rare. La dernière fois que je t’ai croisé, c’était en 2019, un 10 septembre, à la première de Pompier(s) de Jean-Benoît Patricot, mis en scène par Catherine Schaub. J’avais été surprise, car je ne te connaissais pas ce talent de scénographe. Je me souviens de ton bonheur. Ce mardi 27 septembre à 11h30, au père Lachaise, je sais qu’ils seront nombreux à venir t’applaudir…
Le travail de Florent Guyot scénographe sur Pompier(s) était donc justesse incroyable. Il y avait trois fois rien, deux murs de cette couleur rouille sombre de la coque des bateaux échoués et une raie de lumière. Ce rien avait la beauté de l’épure et de l’évidence.