La scène est nue, juste peuplée par des corps comprimés les uns contre les autres, comme enfermés dans une boîte au milieu du vide. Sofia Adrian Jupither use d’un jeu de lumière pour nous les faire apparaître ex nihilo. Eux, face à nous, reflets de nos névroses et de nos lâchetés, dans une situation qui fait jaillir les vices et les vertus de chacun — il y a les égoïstes, les racistes, les sociopathes, les courageux. Le groupe est indissociable, pourtant chacun est face à lui-même. Solitaire est une pièce-idée, qui tient tout du long sur ce concept de départ, et laisse se déployer dans ce canevas frugal le mélange tragi-comique qui anime la pièce.
Il ne fait pas de doute que Sofia Adrian Jupither réussit à faire fonctionner à merveille le théâtre de l’auteur suédois. Elle l’a bien connu jusqu’à sa mort en janvier 2021, et a monté sept de ses pièces, dont 20 November en 2016 pour sa première venue au Festival. S’en tenant à la rigueur du texte, elle orchestre une mise en scène dépouillée, dont les seuls effets résident dans le son et la lumière. Juste assez pour suggérer un monde miniature dont on ne verra personne sortir, sinon quelques âmes qui s’évaporent au-dessus du groupe.
Il faut toutefois accepter de se laisser porter par le texte, sombre et jouant avec les limites de la misanthropie. La vision sauvage et brutale des rapports humains menace de tourner court, et d’installer le spectateur dans une pensée finalement plus complaisante qu’il n’y paraît. On voit bien que Jupither s’est efforcée de laisser rayonner la part de poésie et d’humour présente dans la pièce. Mais cela suffit-il à ouvrir cette boîte de malheur sur un quelconque dehors ?
Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon
Solitaire de Lars Norén
Festival d’Avignon
Chartreuse de Villeneuve lez Avignon
58 Rue de la République
30400 Villeneuve Lez Avignon
Texte Lars Norén
Mise en scène Sofia Adrian Jupither
Dramaturgie Anneli Dufva
Scénographie Erlend Birkeland
Lumière Ellen Ruge
Son Robin Auoja
Maquillage Peter Westerberg
Assistanat à la mise en scène Tiina Lantz-Hirvonen
Traduction en français pour le surtitrage Amélie Wending
Avec Niklas Åkerfelt, Thérèse Brunnander, Per Burell, Otto Hargne, Irene Lindh, Marianne Nielsen, Andreas T. Olsson, Mikaela Ramel, Siham Shurafa, Jonas Sjöqvist
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon