Un tyrannosaure, en jouet et en sculpture, un frigo, une broyeuse, des tables, des hommes en blouse blanche, certains portent des masques de crâne humain. À l’arrière, une armée de squelettes immobiles infeste le décor d’une odeur de putréfaction. Normal, puisque la mort, nous sommes en plein dedans. Le Septième Jour, roman de l’écrivain chinois contemporain Yu Hua, écrit en 2013, raconte l’errance d’un homme à la suite de son décès. Trop pauvre pour se payer une sépulture digne, Yang Fei attend son tour pour passer à travers la grande broyeuse qui règne sur le plateau. Pire, il a perdu son ticket, et doit attendre sept jours de plus avant de vraiment passer de l’autre côté.
Dans ce purgatoire aux airs antiseptiques, sol et murs blancs, qui ne tardera pas à être retourné par ce mort intenable, à coups de bouteilles renversées et d’accessoires balancés à travers le décor, il n’y a plus qu’à ressasser les souvenirs d’une vie chaotique. Démêler un lien complexe avec un père adoptif, se rappeler une histoire d’amour intense et baignée dans la mort. Autant de souvenirs où se mêlent la passion et l’absurde, et où s’entrecroisent d’autres histoires, comme celle d’un couple dont l’un vend ses organes pour pouvoir acheter des cadeaux à l’autre.
Le décor de Zhang Wu se laisse bousculer parfois jusqu’à l’overdose, avec quelques images ingénieuses à la clé et une utilisation intéressante de l’espace du Cloître des Carmes. La mise en scène de Meng Jinghui joue de ce désordre des limbes, électrisée par une distribution expressive suivant admirablement cette partition nerveuse et lunatique, donnant corps avec panache à ces rebuts de la Chine contemporaine.
On regrettera quelques circonvolutions superfétatoires, quelques boursouflures dans le récit qui finissent par allonger un cocktail explosif. Mais, baladés avec succès dans des scènes intenses et parfois très drôles, ces comédiens — Chen Minghao, Han Shuo, Huang Xiangli, Mei Ting, Sun Yucheng, Wang Zihang, Xiao Dingchen — parviennent in fine à mener cette barque de mort au bout de son Styx, fougueusement et sans compromis.
Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial
Le septième jour d’après le roman de Yu Hua
Festival d’Avignon
Cloître des Carmes
Place des Carmes
84000 Avignon
Traduction du chinois Pascale Wei Guinot
Adaptation et mise en scène Meng Jinghui
Musique Hua Shan, Wang Chuang
Scénographie Zhang Wu
Lumière Wang Qi
Son Zhang Xinnan
Costumes Yu Lei
Assistanat à la mise en scène Li Huayi
Avec Chen Minghao, Han Shuo, Huang Xiangli, Mei Ting, Sun Yucheng, Wang Zihang, Xiao Dingchen