Véritable enfant de la décentralisation théâtrale, Josiane Carle est une comédienne de caractère. Avec sa voix usée par le tabac, sa silhouette façonnée par les années, elle est faite du même bois qu’Annie Mercier. Nous sommes restés béats d’admiration devant son interprétation exceptionnelle de cette centenaire à la gâchette facile. Mamie Lüger, personnage haut en couleur, sorti de l’imagination foisonnante du romancier, Benoît Philippon, était pour elle. Quand il l’a vue, il n’a pu lui refuser son envie de l’adapter. Et il a bien eu raison, car le résultat est formidable.
Assise tranquillement sur une chaise, chapeau vissé sur la tête, sac à main tenu bien serré contre elle, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Dans un franc-parler réjouissant, elle écoute le capitaine de police. Ventura essaye de comprendre pourquoi cette vieille dame de 102 ans a canardé l’escouade qui avait pris d’assaut sa maison. Alors, elle déballe sa vie. Il ne va pas en revenir et nous non plus. Devant lui se tient une tueuse d’hommes en série. « En tant qu’femme depuis un siècle, j’ai bien vu qu’on nous roulait dans la farine… J’ai pas gardé un Lüger dans ma commode par hasard ! »
En incluant la salle comme terrain de jeu, le metteur en scène Antoine Herbez place le spectateur au même niveau que l’inspecteur, qu’il interprète adroitement. Il n’y a plus de distanciation. Cela donne à ce huis clos une couleur toute particulière. Plus, le récit avance et plus notre empathie se transforme en admiration. Captivé, on rit et on est ému, car force est de constater que notre tueuse centenaire au caractère bien trempé est une sacrée bonne femme ! Bravo !
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Avignon
Mamie Lüger d’après le roman de Benoît Philippon.
Festival d’Avignon Off – Théâtre des 3 soleils.
4, rue Buffon 84000 Avignon.
Du 7 au 30 juillet 2022 à 19h30, relâche les 12, 19, 26 juillet.
Durée 1h15.
Adaptation de Josiane Carle et Carole Chevrier.
Mise en scène et dispositif scénique d’Antoine Herbez.
Avec Josiane Carle et Antoine Herbez.
Lumières de Fouad Souaker.
Crédit photo © Béatrice Treilland.