Futur proche de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage

La « décadanse » de fin du monde de Jan Martens

Au Festival d’Avignon, le chorégraphe belge habite habilement la cour d'honneur du Palais des Papes, avec Futur Proche, une fresque décousue qui questionne les incertitudes de nos lendemains.

Futur proche de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage

Au Festival d’Avignon, le chorégraphe belge habite habilement la cour d’honneur du Palais des Papes avec Futur Proche, une fresque décousue qui questionne les incertitudes de nos lendemains.

Auréolé par le joli succès remporté l’an passé cour du Lycée Saint-Joseph, par Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones, Jan Martens poursuit son exploration des révoltes du monde. Affirmant une patte, un style de plus en plus ciselé, précis, fait de fulgurances, de ralentis et de gestes staccato, il habite la cour, lui donne vie, quitte parfois à perdre en fluidité, à distendre son propos dans de longs intermèdes certes nécessaires, mais un peu vains. 

Une troupe en coupe réglée 
Futur proche de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage

Face aux festivaliers qui emplissent les gradins — pas une place de libre en ce soir de première, les dix-sept danseurs de l’Opera Ballet Vlaanderen d’Anvers ainsi que deux adolescentes, qui viennent compléter cette belle distribution, se préparent, s’échauffent, s’installent comme de jeunes lycéens sur un banc de récré. Plutôt sages, ils semblent attendre leur prof, qui s’incarne aussitôt en la personne de Goska Isphording. Fini le temps de la détente, les doigts de la claveciniste virtuose virevoltent sur les touches, les notes volubiles s’élèvent. Les corps se meuvent en une succession de solos. Le tempo s’accélère. La scène de 600 m2 s’anime. Tous entrent en piste. Les interprètes de Martens courent, sautent, tourbillonnent comme un essaim fou. Se calquant sur la partition musicale tantôt envoûtante, tantôt discordante, ils marchent, s’arrêtent, repartent, se débattent contre des fantômes, ceux de nos futurs incertains, des guerres prochaines, des changements climatiques à venir.

Empilement de séquences 
Futur proche de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage

Jan Martens a du talent, c’est indéniable. Sa manière de jouer entre intimisme et grandiloquence fonctionne à merveille. Passant d’une grammaire très géométrique qui permet d’investir le moindre interstice du plateau à un rituel de purification, qui focalise le regard des 1900 spectateurs en un point précis de la scène, il imagine sa chorégraphie comme un photographe, un vidéaste qui alternerait avec habilité zoom — la projection XXL des danseurs sur le mur du Palais des papes est sidérante — et grand angle panoramique. Foisonnante, fourmillante, son écriture démultiplie les tableaux, les séquences, sans que, pour autant, un lien vienne structurer l’ensemble. Victime de ses qualités généreuses, humaines, le chorégraphe n’arrive pas à rendre cohérent le ressort politique et engagé de sa pièce, laissant ainsi une partie du public décontenancée, perplexe.

Un clavecin exaltant
Futur proche de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage

Encore un peu fraîche, la dernière création de Jan Martens devrait évidemment s’affiner, se resserrer, offrir à ses interprètes de beaux moments. Évoquant ses inquiétudes du futur à venir, il signe un spectacle un peu fébrile, où il déploie pistes à profusion, change de cap, prend des directions qui s’opposent. Nul n’est prophète en son pays ; un brin pessimiste, il n’a pas perdu tout espoir. Les deux enfants en sont les fragiles porteurs. Si dans son entièreté la pièce ne convainc pas tout à fait, malgré le bel engagement du chorégraphe et de ses danseurs, l’implacable et vertigineuse précision du doigté de Goska Isphording emporte l’adhésion du public. Son jeu exalté insuffle ce petit supplément d’âme qui emporte les batailles. La guerre n’est pas perdue, notre Futur proche peut encore être sauvé !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon

Futur proche de Jan Martens
Festival d’Avignon
Cour d’honneur du Palais des Papes
Place du Palais
84000 Avignon
Jusqu’au 24 juillet 2022 à 21h30
durée 1h30

Tournée 
Du 23 septembre au 1 octobre 2022  à Anvers – deSingel 
Du 18 au 26 novembre 2022 à Gent – Vlaamse Opera Gent 
Du 21 au 22 décembre 2022 à Amsterdam – Internationaal Theater Amsterdam 
Le 21 avril 2023 à Turnhout – Cultuurhuis De Warande 
Le 25 avril 2023 à Sankt-Pölten – Festspielhaus Sankt Pölten 
Du 26 au 28 avril 2023 à Paris – Théâtre de la Ville – Paris 
Le 10 mai 2023 à Bruges – Concertgebouw Brugge

Chorégraphie Jan Martens 
Avec Zoë Ashe-Browne, Viktor Banka, Tiemen Bormans, Claudio Cangialosi, Morgana Cappellari, Brent Daneels, Matt Foley, Misako Kato, Nicola Leahey, Ester Pérez, Taichi Sakai, Niharika Senapati, Paul Vickers, James Vu Anh Pham,  Rune Verbilt, Kirsten Wicklund, et les enfants en alternance Merel Amandt, Gaiane Caforio, Caroline Gratkowksi et Elodie Grunewad
Musique de Peteris Vasks, Janco Verduin, Anna Sigríður Þorvaldsdóttir, Erkki Salmenhaara, Graciane Finzi, Aleksandra Gryka
Clavecin – Goska Isphording
Scénographie de Joris van Oosterwijk
Lumière d’Elke Verachtert
Vidéo de Stijn Pauwels
Son de Brecht Beuselinck
Costumes de Jan Martens, Joris van Oosterwijk
Son de Brecht Beuselinck
Dramaturgie de Tom Swaak
Répétitions de danse – Tara Jade Samaya
Conseils artistiques – Rudi Meulemans, Marc Vanrunxt, Carolina Maciel de França

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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