Dans le cadre de la Belle Scène Saint-Denis, Joachim Maudet présente, jusqu’au 17 juillet 2022 à La Parenthèse, un extrait de sa dernière création, Welcome. Jouant sur les ralentis, le chorégraphe signe un intrigant trio plein d’humour, une pièce où les corps désaccordés des danseurs se cherchent, mais ne se trouvent jamais tout à fait. Rencontre avec un artiste solaire.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
J’ai commencé la danse dans une petite association en Bretagne d’où je suis originaire. Nous nous retrouvions tous les mercredis soir et mon premier souvenir d’art vivant est fortement relié à ce lieu. Je me souviens de ces moments de danse d’où émanaient le partage et le plaisir d’être ensemble.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je ne sais pas s’il y a eu un déclencheur. En-tout-cas, je me souviens de ma dernière année de terminal et du moment où s’est posée la question de la suite. J’étais en Terminale ES et tout le monde s’inscrivait en fac éco-gestion, ce que j’ai d’ailleurs fait. Mais cette même année, j’ai découvert l’existence du Conservatoire Nationale Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP) par le biais du magazine Danser. Je me suis donc rendu naïvement à l’audition sans vraiment savoir où je mettais les pieds. En y réfléchissant, je crois que c’est cette institution qui m’a donné l’envie de mener une carrière dans le secteur de l’art vivant.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être danseur et chorégraphe ?
Je crois que je n’ai pas choisi d’être danseur. La première fois que j’ai mis le pied dans un studio de danse, il y a eu une sorte d’évidence : cet endroit était libérateur et me permettait de sortir d’une réalité.
Après, la question d’être porteur de projet est différente et a mûri au fur et à mesure de ma carrière de danseur.
En effet, j’ai créé la compagnie les vagues en parallèle de mon parcours d’interprète avec l’envie de trouver un espace d’expérimentation. À ce moment-là, j’avais besoin de cette introspection, de savoir qui j’étais en tant que créateur et de définir en quelque sorte une identité artistique. C’était aussi une façon pour moi de me confronter à la page blanche, au vide de l’espace et d’embrasser la liberté vertigineuse de voir apparaître un mouvement, un geste, une voix.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Je dirais que c’est la pièce Nevermind d’Emmanuelle Grach.
Nous étions ensemble au conservatoire, moi en deuxième année et elle en quatrième. Elle avait décidé de créer un quatuor pour la première édition du concours Danse Élargie qui avait lieu au Théâtre de la Ville. Je me souviens de cette joie de créer, de ce moment d’ouverture de rideau dans cette salle gigantesque et du plaisir de toucher à la vie d’après !
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Question difficile, j’ai eu plein de coups de cœur scénique !
Je crois qu’à partir du moment où il y a de la sincérité, de la générosité et du partage, c’est déjà gagné pour moi.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Des rencontres sincères, humaines et joyeuses.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je me rends compte qu’il est essentiel à mon équilibre quand j’arrête de danser. Je pense qu’au bout d’une semaine, j’ai une vague d’énergie, le besoin de bouger mon corps différemment que dans la vie courante. C’est un besoin viscéral qui me montre à chaque fois l’importance et la chance de faire ce métier.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Mes nuits d’insomnie, ce temps ou mon esprit part dans les méandres de mon inconscient.
Je pourrais aussi dire la rencontre, les autres humains.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Pour moi, la scène, c’est du jeu. Un jeu entre l’intérieur et l’extérieur, entre ce qui est donné à voir, à entendre, à percevoir.
J’aime l’idée que la scène est un espace commun où l’on peut tordre la réalité, jouer avec les sens et déployer le corps dans tous ses possibles. J’aime le rapport direct avec le public et jouer sur la lisière entre le jeu et le hors-jeu.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
En ce moment, j’ai une fascination pour la langue, cet organe invisible, spongieux et vivace. J’aime la personnifier et imaginer sa vie dans sa grotte buccale. Dans ma dernière création Welcome, il y a tout un moment que l’on appelle l’orchestre des langues. C’est une sorte de chorégraphie de majorette, une manifestation du monde intérieur vers le monde extérieur. Je ne sais pas si la langue me donne le désir de faire ce métier, en tout cas, je passe du bon temps avec elle !
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Il y a plein d’artistes qui me fascinent, que j’aimerais rencontrer et pourquoi pas avec qui travailler. Je pourrais nommer Yasmine Hugonnet, Olivier de Sagazan, Nina Santes, Tiago Rodriguez, Marina Abramovic, Marlène Monteiro Freitas…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Peut-être un projet sous l’eau…
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un chant de sirène enchanteresse, Une chorale mondiale ou un doux mélange entre Charlie Chaplin, La Ligne, Egon Schiele, Valeska Gert, les BD de Fab Caro saupoudré d’un peu de l’absurdité de Beckett, peut-être…
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Welcome (extrait) de Joachim Maudet
Festival OFF d’Avignon
PROGRAMME DANSE #3
Belle Scène Saint-Denis – Théâtre Louis Aragon
La Parenthèse
18 rue des Études
84000 Avignon
Jusqu’au 17 juillet 2022
Chorégraphie et interprétation de Joachim Maudet
En collaboration avec Pauline Bigot et Sophie Lèbre
Création lumière de Nicolas Galland
Création sonore de Julien Lafosse
Regards extérieurs – Yannick Hugron et Chloé Zamboni
Coach vocal – Pierre Derycke
Photo © Festival Parallèle M.Vendassi & C.Tonnerre