Au 11 • AVIGNON, tout le mois de juillet, Amine Adjina et ses complices écrivains, Gustave Akakpo et Métie Navajo, questionnent la diversité et la place des minorités dans la société française, à travers le prisme de leur identité, de leur propre expérience. Construit comme une conférence, où chacun expose son point de vue et les outils à mettre en place pour changer en profondeur les mentalités, LA DIVERSITÉ est-elle une variable d’ajustement… interroge le processus démocratique, mettent à mal les idées reçues et proposent d’autres pistes de réflexion. Rencontre avec la co-fondateur de compagnie du Double.
Quelle est la genèse de LA DIVERSITÉ est-elle une variable d’ajustement… ?
Amine Adjina : Nous nous sommes rencontrés lors du festival Les Hauts-Parleurs, organisé par le collectif À mots découverts. Ce collectif fait un travail passionnant sur les écritures contemporaines et chacun de nous a pu en mesurer le travail lors d’une séance avec ses membres. Au cours de ce festival, une brigade d’auteurs est constituée pour être présente sur la période complète (5 jours) et proposer à la fin une sorte de restitution, de compte-rendu, dans une forme libre. L’une des thématiques, cette année-là, était la diversité. Nous ne nous connaissions pas avec Gustave (Akakpo) et Métie (Navajo), mais nous avons tout de suite été frappés par l’ironie de la situation. Nous avons donc décidé d’y répondre en proposant une fausse conférence sur la diversité, au cours de laquelle une élection aurait lieu pour élire lequel de nous trois incarne le mieux la diversité en France. Voir jusqu’où cette situation pouvait nous emmener. Et surtout voir comment le public réagirait à ce vote que nous souhaitions mettre en critique.
Ces intuitions de départ sont restées dans la proposition finale du spectacle. Nous avons ensuite développé d’autres parties pour que l’ironie ne soit pas la seule réponse, mais que le spectacle soit l’endroit où ce mot, diversité, est mis en question collectivement, mais aussi pour nous-mêmes au regard de nos histoires, de nos pratiques.
Il fallait essorer ce mot !
Comment avez-vous travaillé à six mains pour évoquer la diversité des écritures et des cultures francophones ?
Amine Adjina : Ce fut une expérience d’écriture singulière et vraiment riche pour nous trois. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité poursuivre ensuite. Nous aurions pu nous arrêter après le festival, ce qui arrive habituellement.
Alors même que ce qui est en jeu dans le spectacle, par moments, c’est la compétition, l’individualisme, tout le processus d’écriture, de création a été collectif. Comme une nécessité. Nous avons écrit toutes les parties du texte ensemble, dans la même pièce. Jamais chez soi. Certaines s’écrivaient directement à trois, comme par exemple les dialogues, d’autres seules dans une pièce avant de lire aux autres et de corriger à trois. C’était important pour nous que cela se passe ainsi, dans une sorte d’« unité de lieu et de temps ».
Et ce travail d’écritures qui s’entremêlent a été une vraie découverte, dans ce que cela a permis de faire émerger comme construction d’un matériau hybride, à la fois par la pluralité des écritures et par sa structure dramatique, mais aussi comme rapport à l’exposition, au dépouillement, nous avons pu aller plus loin, portés par les autres…
Le travail d’écriture, de réécriture, de modelage a été tel qu’aujourd’hui, il est parfois difficile de savoir qui a écrit quoi. Certaines parties sont évidentes, d’autres pas du tout.
Concernant les lieux, nous avons écrit au Grand Parquet, aux Plateaux Sauvages, chez moi, dans des cafés, à Cap étoile, dans une salle de répets de la Colline, dans des cantines où on mange pour pas cher, etc… Le spectacle a été créé aux Plateaux Sauvages en juin 2021 après 4 reports liés au Covid. Merci à eux pour leur ténacité !
Que souhaitiez-vous mettre en exergue à travers vos trois regards sur la France d’aujourd’hui ?
Amine Adjina : Nos trois parcours, nos origines diverses, nos histoires, nos écritures racontent la France. Elles ne racontent pas la diversité en France, mais bien la France telle qu’elle est constituée, telle qu’elle se vit.
Certains pensent parfois qu’ils incarnent le tout, l’origine, etc… Mais dans le fond, ils n’incarnent qu’eux-mêmes.
Alors qu’on pense venir voir la diversité sur scène, on espère que les gens repartent avec une réflexion sur leur propre histoire et leur place, et que cela déjoue les attendus sur la question.
Comment abordez-vous Avignon ?
Amine Adjina : Avec calme et envie.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
LA DIVERSITÉ est-elle une variable d’ajustement… d’Amine Adjina, Gustave Akakpo et Métie Navajo
Festival OFF d’Avignon
11 • AVIGNON
11 boulevard Raspail
84 000 Avignon
du 7 au 29 juillet 2022 à 20h30 – Relâches les mardis 12, 19 & 26
Durée 1h10
Conception, texte et jeu d’Amine Adjina, Gustave Akakpo et Métie Navajo
Collaboration artistique – Émilie Prévosteau
Création lumière – Bruno Brinas
Création sonore – Fabien Aléa Nicol
Scénographie et costumes de Cécile Trémolières
Régie lumière – Azéline Cornut et Olivier Modol
Régie son – Camille Vitté
Crédit photos © Géraldine Aresteanu